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Page:Royer - Introduction à la philosophie des femmes.pdf/7

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philosophe et femme de sciences

Chez les hommes, la raison mathématique, le travail discursif de l’intelligence absorbe toutes les facultés, fossilise l’âme et fait de leur être entier une machine pensante, sans tempérament moral. Chez les femmes, au contraire, on ne développe qu’une sensibilité maladive, sans soutien et sans frein, ou une imagination qui, sans objets rationnels d’activité, ne peut que s’égarer plus ou moins dans les créations folles des rêves poétiques. On fait abus pour elles des études littéraires, lorsqu’on fait pour elles abus d’une étude quelconque. Toujours, du reste, il y a abus d’une faculté lorsqu’on la développe seule. Il en est des organes de notre âme comme des membres de notre corps ; si l’un de nos bras travaille sans cesse et que l’autre demeure inactif, ce dernier dépérit tandis que le premier prend à lui seul toute la force. De même, l’esprit n’est sagement équilibré que par un exercice intégral de toutes ses puissances. Il résulte de tout cela que les femmes sont tout cœur, et les hommes tout tête et que les uns et les autres ressemblent, intellectuellement au moins, à ces images grotesques et disproportionnées que des crayons en délire nous retracent quelquefois sous prétexte de caricatures. Ceux-ci ne savent que penser, celles-là ne savent que sentir ; tous ensemble ne peuvent plus s’entendre, se comprendre mutuellement. Par instinct ils arrivent à se fuir : et ces rapports civils et polis, ces rapports sociaux, rapports d’intelligence et d’esprit si pleins de charme et d’intérêt, qui permettent l’échange des idées, deviennent de plus en plus rares et impossibles. Les hommes y perdent en moralité, les femmes en solidité d’esprit, et nul n’y gagne.

Je dirai plus. Tant que la science demeurera aussi exclusivement entre les mains des hommes, elle ne descendra jamais dans les profondeurs de la famille et de la société. Elle restera à la surface, pareille à une croûte de glace au-dessous de laquelle les eaux demeurent à une température invariable ; ou encore, elle sera semblable à ces bancs de conferves flottantes qui s’étendent, comme une mousse verte, sur les étangs vaseux. Si le pied trompé s’y pose espérant trouver un sol ferme, la prairie factice cède et s’entrouvre, tandis que du sein des eaux corrompues s’élèvent des miasmes fétides.

Que les femmes s’emparent de la science, au contraire, et bientôt elles la rayonneront autour d’elles avec cette expansion sympathique qui distingue si essentiellement leur nature. La