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SON INTRODUCTION EN EUROPE 91

qu’on leur laisse les fibres auxquelles ils adhèrent, soit qu’on les en détache, on peut conserver ces tubercules, pour les replanter l’année suivante en les disposant dans un pot d’argile ou tout autre vase rempli de terre sèche que l’on rentre à la maison : on arrive au même résultat en les plaçant à nu dans un lieu sec et chaud. Mais si on laisse les racines dans le jardin, elles se détériorent pendant l’hiver, à moins qu’il n’en soit autrement dans les contrées plus tièdes : il s’ensuit que lorsqu’on les tire du sol, qu’on les débarrasse de leur terre, elles se durcissent et ne deviennent d’aucun usage. On ne doit donc compter pour la conservation de l’espèce que sur les tubercules ; il est vrai que je n’ai jamais fait d’expériences sur les graines : mais j’ai appris par d’autres personnes que, dans la même année, elles donnent aussi des fleurs dont la couleur paraît différer de celles de la plante mère. Ainsi mon ami Jean Hogheland m’écrivait que les pieds, qui étaient sortis de la semence que je lui avais envoyée, avaient donné des fleurs toutes blanches, mais qu’il avait constaté que ces pieds qu’il avait déterrés à la même époque où l’on déterre ceux qui ont été produits par des tubercules, n’avait encore développé aucun de ces derniers, peut-être parce que les tiges n’avaient pas encore atteint leur maturité[1]. J’ai remarqué aussi que lorsqu’on déterrait le tubercule qui avait donné naissance à la plante, on le trouvait parfois tout à fait vide, et d’autres fois encore ferme et entier.

» Cette plante fleurit en Juillet, et souvent elle ne cesse de porter fleur et fruit jusqu’en Automne, ou même jusqu’aux premières gelées qu’elle supporte difficilement.

» C’est Philippe de Sivry, Seigneur de Walhain et Préfet de la ville de Mons, en Hainaut (Belgique), qui m’a le premier fait connaître cette plante : il m’en envoya d’abord deux tubercules avec un fruit à Vienne, en Autriche, au commencement de l’année 1588, puis l’année suivante le dessin colorié d’un rameau fleuri. Il m’écrivit qu’il la tenait de l’un des personnages qui avaient accompagné le Légat du Pape en Belgique, et qui la lui avait don-


  1. — Ce fait que l’on obtenait alors, dans l’année même du semis, des pieds qui fleurissaient mais ne donnaient pas de tubercules, est très intéressant à constater. C’est en général le contraire qui se produit aujourd’hui : on obtient souvent, dans les mêmes conditions, de petits tubercules et pas de fleurs.