Page:Roze - Histoire de la Pomme de terre, 1898.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
SON INTRODUCTION EN EUROPE 105

que nous trouvons des preuves de son existence dans les Jardins botaniques de l’Europe. Ce n’est, du reste, que pendant la première partie du XVIIIe siècle qu’elle se répand peu à peu dans les cultures. Ainsi, d’après Humboldt, la Pomme de terre n’aurait été cultivée en grand dans la Saxe que depuis 1717, et en Prusse depuis seulement 1738.

Nous trouvons dans le Mémoire de M. Clos[1], dont nous avons déjà cité quelques fragments, les renseignements qui suivent sur l’introduction de la Pomme de terre dans d’autres États de l’Europe.

« Les Mémoires de l’Académie royale de Suède, dit-il, nous apprennent que, dès 1747, Ch. Skytes proposait d’extraire de l’eau-de-vie des Pommes de terre par distillation, afin d’épargner le grain qui est souvent très cher dans ce pays. Et de son côté, l’illustre Linné faisait tous ses efforts pour les propager. Enfin un Édit royal fut publié en Suède en 1764, en vue d’en encourager la culture.

« On lit dans la Bibliothèque universelle de Genève (Agric., t. VIII), qu’en 1650 la plante commença à être connue en Allemagne et cultivée ; que la Guerre de Trente ans propagea cette culture qui fut après délaissée, mais qui redevint d’un usage général à l’occasion de la Guerre de Sept ans, et surtout de la famine de 1770. Cependant, au rapport de Schkuhr, elle n’aurait été connue en Allemagne qu’en 1717 (Botanisches Handbuch).

« Introduite d’assez bonne heure en Suisse, elle y reçut bon accueil, mais ne s’y propagea qu’assez tard dans quelques cantons : ainsi, ce n’est que peu d’années avant 1730, qu’au rapport de Loiseleur-Deslonchamps, elle pénètre dans le Canton de Berne ; et la vallée de Locarno (Canton du Tessin, non loin du Lac majeur) a dû ce bienfait au philosophe et littérateur suisse Bonstetten[2].

  1. Quelques documents pour l’histoire de la Pomme de terre (1874).
  2. — « Le grand préjugé contre l’usage de la Pomme de terre comme aliment pour l’homme, disait Sainte-Beuve, venait de l’idée qu’elle était per le creature, c’est-à-dire pour les porcs. Bonstetten, sachant le cas que le peuple faisait des Anglais à cause de leur grande dépense en voyage, imagina de faire lire dans les églises du baillage de Locarno une exhortation à cultiver les Pommes de terre, en ajoutant que la Pomme de terre était chaque jour servie à la table du roi des Anglais. Neuf ans après, à Genève, un habitant de ces pauvres vallées vint le remercier de l’effet qu’avait produit sa predica, son prône. La Pomme de terre, grâce à la recommandation, avait prospéré. » (Causeries du Lundi.)