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148 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE

«… Si nous pensons (dit la Faculté) que les soupçons (de l’Auteur de la Lettre en question) n’ont aucun motif réel, nous sommes bien éloignés de blâmer le zèle de ce citoyen ; nous sommes au contraire persuadés qu’on ne sçauroit en faire trop long voir dans une affaire aussi importante, que tout ce qui concerne la nourriture des hommes et des bestiaux, et qu’on ne doit rien négliger pour écarter jusqu’aux moindres doutes, et dissiper les craintes les plus légères, etc. »

Si en 1771, on tenait, dans les Conseils du roi Louis XV, à ne pas laisser dénigrer les ressources que pouvaient offrir les Pommes de terre dans les temps calamiteux, c’est qu’on venait de souffrir, en 1770, toutes les horreurs de la disette. La Revue scientifique du 19 Décembre 1896 a publié, à ce sujet, un extrait d’une Monographie de la Commune d’Auxy, arrondissement d’Autun, faite en 1890 par l’Instituteur, M. Trenay, qui a relevé la mention suivante, inscrite à la fin du Registre de 1770 de l’État civil, tenu par le Curé.

« L’année 1770 a été l’une des plus malheureuses qu’on eût encore vue depuis longtemps. Les pluies continuelles qui commencèrent depuis le 15 août 1769 empêchèrent de semer par leur continuité, et tout ce que l’on sema fut semé dans l’eau, ce qui fit que la plupart des semences pourrirent en terre, et il survint dans le mois d’Avril une neige de 4 à 5 pouces qui dura plusieurs semaines et qui brûla une partie des blés, de sorte qu’au mois de Mai, le blé commença à monter de prix et coûta, toute l’année, malgré la moisson, jusqu’à 7 livres 10 sols et 8 livres, tant le Froment que le Seigle ; encore ne pouvait-on en avoir pour son argent, ce qui causait des émeutes dans les marchés. Le petit vin de Couches se vendait jusqu’à 40 écus, le vin vieux de la Montagne de Couches, jusqu’à 100 écus. L’orge s’est vendu jusqu’à 4 livres 10 sols ; l’avoine 2 livres ; ce qu’on n’avait jamais vu.

» Les Pommes de terre, qui furent d’un très grand secours pour le peuple, se vendaient jusqu’à 9 livres le poinçon ; on enleva, de force, une quantité de pauvres, par ordre du Roi, qu’on transporta dans des maisons disposées dans différentes villes ».

Cette famine de 1770, qui se fit sentir en France et même en Europe, produisit cet effet salutaire de faire chercher des remèdes à une aussi pénible situation. C’est ainsi qu’en 1771, l’Académie de