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SON INTRODUCTlON EN FRANCE 179

qui a entraîné la perte d’une partie des bestiaux, et la moucheture des blés qui, dans certains Cantons, a réduit au tiers les récoltes en froment : le Gouvernement, justement alarmé de ces fléaux passagers, s’est empressé d’en arrêter les suites, en chargeant plusieurs membres de la Société royale d’Agriculture, de rédiger des Instructions sommaires sur les différentes ressources qu’il était possible d’employer, selon les Cantons et la nature du sol, pour remédier aux maux que l’extrême sécheresse occasionnait, et prévenir en même temps ceux que cette température désastreuse présageait encore ; les efforts n’ont pas été infructueux, puisque beaucoup de propriétaires, au lieu d’être forcés, comme certains fermiers, de se défaire de la plupart de leurs bestiaux, se sont trouvés en état d’en nourrir un plus grand nombre, et qu’ils songent à profiter de l’expérience acquise pour se ménager des secours contre les mêmes inconvénients.

» Parmi les ressources indiquées, la Pomme de terre a été spécialement recommandée, et elle a rempli le plus complètement les espérances : ces racines, quoique plantées bien après la saison, n’en ont pas moins prospéré dans des terrains où les menus grains avaient entièrement manqué, et les vides entre les arbres, qui bordent quelques grands chemins neufs, en ont également fourni d’abondantes récoltes.

» Encouragé par ce succès presque inattendu, M. l’Intendant de la Généralité de Paris[1] a désiré qu’on essayât cette culture dans la Plaine des Sablons ; en conséquence, deux arpens, pris au hasard dans ce vaste champ inculte, ont été labourés et plantés en même temps, sans aucune sorte d’engrais ; et malgré les circonstances les plus contraires à l’expérience, puisque la Pomme de terre n’a pu être plantée que le 15 de Mai, c’est-à-dire six semaines après l’époque ordinaire de la plantation, et que, pendant un mois et cinq jours, elle n’ait pas reçu une goutte d’eau, sa végétation n’en a pas moins été considérable, au point de faire croire que le sol aride qu’elle recouvrait était un excellent fond, qu’il avait été disposé par plusieurs labours, amendé par les meilleurs fumiers, et que tous les périodes de son développement avaient l’avantage


  1. — Il nous semble juste de consigner ici le nom de cet Intendant : c’était M. Bertier, maître des requêtes, qui fut Intendant de la Généralité de Paris, de 1768 à 1788.