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HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE

de s’enrichir en transportant cette seule denrée dans la province de Potosi. On dit cependant que cette racine porte une tige semblable à celle de l’Argemone. Ces Papas ont la forme de Châtaignes, mais ont le goût plus agréable : on les mange cuites, ou bien, comme je le disais, réduites en farine. On en trouve également chez d’autres peuplades de cette Chersonèse, ainsi que chez les Habitants de la province de Quito. »

Le Père Joseph de Acosta, de l’ordre des Jésuites, qui fut le second Provincial du Pérou, où il débarqua en 1571, a publié à son retour en Espagne en 1591, à Barcelone, une Historia natural y moral de las Indias. Nous extrayons de cet ouvrage, d’après la traduction « en François » qu’en a donnée en 1598 Robert Regnault, Cauxois, les intéressants passages qui suivent.

« Ce que les Indiens appellent Andez, et ce qu’ils appellent Sierra, sont deux chaines de montagnes très hautes qui doivent courir plus de mil lieues à veue l’une de l’autre, et presque esgalement. Il y a un nombre infini de vicugnes et de ces animaux qu’ils appellent Guanacos et Pacos, qui sont des moutons… L’on y trouve aussi l’herbe ou arbre qu’ils appellent Coca, qui est tant estimé des Indiens, et la traite qu’on en fait y vaut beaucoup d’argent. Celle qu’ils appellent Sierre, fait des vallées és endroits où elle s’ouvre, qui sont les meilleurs habitations du Peru, comme est la vallée de Xauxa et d’Andaguaylas et de Yucay. En ces vallées il croît du froument, du mays, et d’autres sortes de fruits, toutefois ès unes moins qu’aux autres. Plus outre que la cité de Cusco (qui estoit anciennement la cour des Seigneurs de ces royaumes), les deux chaines de montagnes que j’ay dictes se retirent et s’esloignent davantage les unes des autres, et laissent au milieu une plaine et large campagne qu’ils appellent la province de Collae, où il y a un grand nombre de rivières, et beaucoup d’herbages et de pâturages fertiles, et là est aussi le grand lac de Titicaca : mais encore que ce soit terre plaine, et à la mesme hauteur et intemperature que la Sierre, et qu’il n’y ait non plus d’arbres ny de forests, toutesfois le défaut qu’ils ont du pain y est recompensé par les racines qu’ils sement, lesquelles ils appellent Papas, et croissent dedans la terre. Ceste racine est le manger des Indiens, car les sechans et nettoyans ils en font ce qu’ils appellent Chugno qui est le pain et la nourriture de ces provinces… »