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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 29

« Pommes de terre amères (Papas amargas). D’un jaune pâle sale, d’une forme souvent un peu aplatie. Ce tubercule est cultivé dans les punas les plus froides, et dans des terrains qui ne produisent absolument pas autre chose. L’âcreté qui le caractérise n’est pas forte, et cependant une coction prolongée ne la chasse jamais. La cuisson n’enlève pas non plus sa dureté, qui est bien plus marquée qu’elle ne l’est chez les Pommes de terre en général. Il n’y a guère que les Indiens qui mangent ce légume, et alors c’est ordinairement à l’état de Chuño, Chez les Aymaras il porte le nom de luki. Je n’ai pas eu l’occasion de déterminer si la plante que produit la papa amarga est botaniquement différente de celle qui donne la papa dulce. Cependant on pourrait presque déduire la conclusion affirmative de la différence des climats auxquels chacune d’elles s’accommode.

» Un mot sur la préparation qui porte le nom de Chuño. Dans les parties élevées des Andes, il gèle à peu près toutes les nuits de l’année, et l’on n’y a pas les moyens, comme chez nous, de préserver ses Pommes de terre de l’action de la gelée ; de là la nécessité de les manger le plus souvent gelées, sous peine de ne pas en manger du tout ; seulement, au lieu de les laisser geler, on les fait geler en favorisant l’action du froid de telle sorte qu’aucune partie du tissu des tubercules ne puisse y échapper ; puis on les sèche parfaitement. La Pomme de terre, devenue Chuño par ce traitement, se conserve indéfiniment, et elle ne perd aucune de ses qualités nutritives ; peut-être même devient-elle plus facile à digérer qu’auparavant. Quant à son goût, il change du tout au tout, mais je déclare que je n’y trouve, pour mon compte, rien de désagréable.

» On connaît deux variétés principales de Chuño de Pommes de terre : le Chuño negro et le Chuño blanco. Pour faire le premier, on étend les tubercules à l’air, sur une couche mince de paille ; on les arrose légèrement, et on les expose à la gelée pendant trois nuits consécutives. En dégelant ensuite au soleil, ils prennent une consistance spongieuse ; dans cet état, on les foule sous les pieds nus pour en faire tomber l’épiderme et pour en exprimer le jus ; puis on les laisse exposés à l’air jusqu’à ce qu’ils soient parfaitement secs[1] : ils sont alors d’un brun très foncé.


  1. — « Avant sa dessiccation le Chuño porte le nom de Cachu-Chuño (Chuño femelle) ».