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32 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE

« Après le Blé, nul doute que les Papas sont le produit le plus important et le plus précieux de notre Agriculture : on ne peut assez l’admirer comme une des plus grandes faveurs que nous prodigue la Providence, et comme la plus belle conquête que l’Europe ait pu faire dans le Nouveau-Monde. D’une culture simple et facile, elle peut végéter dans tous les pays, dans les plus chauds comme dans les froids ; craignant moins que le Blé et les autres légumes les intempéries et les accidents atmosphériques, ce précieux tubercule s’est répandu rapidement sur toute la surface de la terre, et par ses abondantes récoltes et ses excellentes qualités nutritives, il forme aujourd’hui le principal aliment des peuples, en contribuant singulièrement à leur bien-être et à les préserver pour toujours des horreurs de la famine !

» Vers la fin du XVIe siècle, il fut introduit en Europe ; mais sa culture ne se répandit complètement qu’un siècle après, et depuis elle s’est propagée avec la plus admirable rapidité. On ne connait pas avec certitude celui qui a eu l’insigne honneur de l’importer en Europe, bien que plusieurs auteurs l’attribuent au gouverneur Walter Raleigh, non plus de quel pays elle provient, de même qu’on ignore l’origine d’une infinité de plantes précieuses qui se cultivent depuis un temps immémorial. Malgré tout, dans un Mémoire que nous publions sur l’Araucanie, nous croyons pouvoir prouver que le Chili peut être regardé comme la véritable patrie de cette manne céleste, vu le grand nombre de localités dans lesquelles on la rencontre à l’état complètement sauvage : aussi, laissant de côté celles où elle se montre dans le voisinage de certaines villes ou de certains endroits habités, et où elle a pu émigrer sans doute des champs cultivés, nous ne parlerons que des points où nous l’avons rencontrée, dans des parages les plus retirés, et en outre dans les anfractuosités de ces hautes Cordillères que les hommes visitent rarement. Elle se rencontre également dans l’île de Juan Fernandez et dans l’Araucanie ; et, dans les Cordillères voisines de celles de Malvarco, il existe une chaîne de montagnes où les Pommes de terre sont si communes que les Indiens et les soldats de Pincheira allaient les récolter pour en faire leur principal aliment : la montagne y garde le nom de Poñis, nom araucanien des Papas.

» Avant la conquête, les Chiliens cultivaient ce tubercule et le