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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 31

min des plus scabreux, au milieu d’une végétation tropicale, sur le versant oriental des Andes.

» Un orage se déclara pendant la nuit, et la pluie continua de tomber avec tant de violence le lendemain, que nous jugeâmes à propos d’attendre, pour quitter notre abri, que le temps se remît. Pendant les intervalles de calme qui eurent lieu, dans l’après-midi, je fis une tentative de chasse dans les environs, avec un Indien pour guide… Je rapportai de ma course un objet curieux : c’était une Pomme de terre, différente de l’espèce ordinaire. Elle croissait abondamment dans un semis de Maïs, où je la pris, tout d’abord, pour celle que tout le monde connaît, bien qu’elle me parût avoir les fleurs plus grandes ; et je m’étonnais d’autant plus de la voir en ces lieux, que tout le monde m’avait assuré qu’on ne la trouvait plus du tout, au-dessous de Guaynapata. On me dit alors que ce n’était pas la Pomme de terre commune que j’avais ramassée, mais une espèce sauvage, connue sous le nom de Papa sylvestre ou Lilicoya, qui levait spontanément dans les cultures ; et on m’assura que chaque fois que, dans ce ravin, on détruisait une forêt par le feu pour y faire des semis, il était très rare que la Lilicoya n’y parût pas peu après. Les gens du pays expliquaient ce phénomène en supposant que, du temps de los gentiles (Indiens non convertis au christianisme), c’est-à-dire avant la conquête, il y avait en ces lieux des cultures étendues, sur l’emplacement desquelles la forêt a repris son empire, et que les germes de la Lilicoya s’y sont conservés jusqu’à nos jours, pour se montrer à la lumière, toutes les fois que des conditions favorables à leur développement viennent à se présenter. Les tubercules de la Lilicoya sont de la grosseur de la Pomme de terre commune mais ils en diffèrent par la saveur ; ils sont âcres comme les Papas amargas des Punas, et on les recueille très rarement pour cette raison, et surtout parce que la gelée n’est pas là pour en corriger le goût. »

Claude Gay, membre de l’Académie des Sciences (Section de Botanique), qui a fait une longue résidence dans le Chili, dont il a publié en 1849, sous les auspices du Gouvernement de ce pays, une Histoire physique et politique, traite dans sa Flora Chilena, qui fait partie de ce grand ouvrage, du Solanum tuberosum. Voici ce qu’il dit dans une Note, qui fait suite à sa description de la Pomme de terre, et dont nous donnons la traduction.