Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/226

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les ceps sont éloignés les uns des autres de trois ou de cinq pieds. L’un & l’autre espace sont suffisans pour que le raisin mûrisse bien, & craigne peu la pourriture.

Le cinquième ordre rentre dans le troisième, & c’est en général celui de la Basse-Provence, du Bas-Languedoc, &c. on y tient le cep le plus bas qu’il est possible ; presque tous les raisins touchent terre : les seules vignes vieilles ont des ceps chargés de cornes, & toute leur hauteur est de douze à dix-huit pouces.

Le sixième ordre comprend les hautains qu’on distingue en trois classes ; les hautains accolés aux plus grands arbres, par exemple sur les noyers, comme aux Échelles, aux Avenières dans le Dauphiné ; les hautains sur des arbres moyens, tels que le cerisier, l’ormeau, le sycomore, qu’on maintient à la hauteur de douze ou de quinze pieds, fort dégarnis de branches ; la troisième espèce comprend les palissades de huit à dix pieds de hauteur, dans le Béarn.

Tels sont, en abrégé, les différens ordres de vignes du royaume, & des différens accolages.

La cherté & la rareté des bois, des osiers & de la paille, propres à accoler, sont, sans doute, la cause qu’on n’accole pas dans les provinces où l’on cultive le troisième & le cinquième ordre de vignes. Si on y étoit jaloux d’avoir du vin de qualité supérieure, il seroit indispensable d’échalasser. Quelques légères exceptions à cette règle, ne la détruisent pas. N’y auroit-il pas un milieu à prendre pour y éviter les frais, & y faire acquérir aux raisins une plus complette maturité ? Ne pourroit-on pas, à la fin du mois d’Août, au plus tard au 10 Septembre, raccourcir les sarmens prodigieux dont la grosseur excède celle d’un pouce de diamètre, & la longueur celle de huit à dix pieds ? (cet exemple n’est pas rare dans les plantiers de Languedoc & de Provence, & voilà l’effet du canal direct de la séve qui ruine le tronc.) On égaliseroit tous ces sarmens à la hauteur de deux pieds au-dessus du cep : alors les accoler tous ensemble avec de la paille ou du jonc, &c. il est certain que la séve monteroit en moins grande abondance, puisqu’on auroit supprimé une grande partie des feuilles qui facilitent son ascension. L’ardeur du soleil mûriroit mieux le raisin ; son suc seroit plus épuré ; enfin, à cette époque, on ne craindroit plus les dangereux effets des coups de soleil qui desséchent en un jour la moitié de la récolte. Ces coups de soleil ont lieu lorsque le tems est très-chaud & l’atmosphère chargée de vapeurs ou légers nuages placés entre le soleil & les raisins. Ces nuages font l’office de loupe, de verre ardent ; & j’ai suivi sur des côteaux, pendant l’espace de plus d’une lieue, la trace & la direction du nuage qui avoit occasionné la brûlure du raisin & même de toutes les feuilles. Ces coups de soleil ne produisent, en général, cet effet que lorsque le raisin est prêt à tourner, c’est-à-dire, lorsqu’il commence à changer de couleur.

L’opération que je propose, seroit peu coûteuse, peu pénible. Je demande qu’elle soit seulement