Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/580

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un terrain que l’on veut dessécher, de percer le lit de terre que contenoient les eaux supérieures ? Alors elles se perdent dans un banc de pierre ou de sable ; elles disparoissent et vont enfler ces sources fécondes qui portent ailleurs la fertilité et la vie.

Canaux secondaires, ou saignées. Je ne dois point terminer ce chapitre, sans parler des canaux secondaires, qui, comme autant de ramifications, vont porter les eaux aux canaux généraux de dessèchement.

Comme on peut augmenter, réduire le nombre, ou changer le cours de ces canaux secondaires, leur construction est bien moins importante que celle des canaux principaux ; on peut, pour ainsi dire, les essayer avant de les adopter définitivement ; je me bornerai donc ici à quelques observations générales.

1°. Il importe de construire à l’embouchure de chacun de ces canaux des clapets très-peu dispendieux, mais qui servent à retenir les eaux dans telle ou telle partie, tandis qu’il faut les faire écouler dans une autre : sans cette précaution, il arrive souvent que telle partie d’un dessèchement est inondée, tandis que telle autre est frappée de sécheresse. Il ne faut donc pas négliger un moyen aussi simple de se rendre maître du coins des eaux.

2°. Il est un usage connu en Angleterre et recommandé par Rozier, c’est celui de combler les fossés secondaires ou rigoles avec de grosses pierres, (quand la nature en offre) et de les couvrir de quinze à seize pouces de terre franche. Alors il n’y a pas de perle de terrain, et les eaux s’écoulent par des conduits secrets.

Je suis loin de blâmer cet usage ; mais n’est-ce pas le cas de dire ici qu’il n’y a pas de règle sans exception, et que celle-ci en souffre beaucoup ?

1°. En comblant les fossés secondaires, vous perdez l’avantage précieux de pouvoir contenir les bestiaux, et de les empêcher de vaguer et de fouler avec leurs pieds plus d’herbe qu’ils n’en mangent ; vous éloignez d’eux les moyens de se désaltérer.

2°. Dans les terrains brûlans, (et il y en a beaucoup de ce genre dans les dessèchemens) vous renoncez à l’avantage inestimable de ces vapeurs qui s’élèvent de la surface des eaux et qui se répandent en fertiles rosées sur un sol aride ; cet effet, naturel dans un pays de montagnes, n’existe pas dans les plaines : c’est donc encore ici à l’art à aider la nature.

3°. Vous renoncez enfin à ces plants d’arbres aquatiques qui bordent les canaux, en contiennent les terres, attirent la rosée et la fraîcheur, et décomposent l’air méphitique et pestilentiel.

Ainsi donc, par-tout où il faut purger l’air et le rendre salubre, par-tout où il importe de conserver, de porter la fraîcheur sur un sol trop brûlant, par-tout où il faut préférer les prairies aux terres emblavées, nous ne devons pas renoncer à nos antiques usages, de laisser nos canaux secondaires découverts, et nous ne devons adopter la méthode anglaise que dans les terres assez arrosées, ou destinées à être emblavées ; il ne faut donc pas que la manie de l’imitation nous porte trop loin. Nous devons, en économie rurale, imiter les Romains, qui n’adoptaient des autres peuples que les coutumes et les armes qui pouvoient convenir à leurs mœurs ou à leur politique.

Je ne terminerai point ce qui concerne les canaux de dessèchement, sans recommander de se rendre maître de la circulation des eaux par des moyens simples et peu dispendieux.

Souvent la partie inférieure d’un marais est fatiguée d’eau, le bas d’un canal surchargé, tandis que la partie haute est à sec, et les terres sans irrigation.