Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/579

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rain que parcourt le canal doit être la première donnée du problème.

Ces pentes sont, ou trop rapides, ou trop lentes, ou nulles, ou inégales.

Pentes trop rapides. Les pentes sont elles trop rapides ? il suffit quelquefois de contourner le canal, de le faire circuler ; alors la pente se prolonge sur un plus grand développement, et devient peu sensible.

Ce moyen supplée souvent aux écluses, aux déversoirs, aux chaussées mobiles qu’on ne construit et qu’on n’entretient sur-tout qu’à grands frais ; il est encore très-utile pour aller chercher les eaux des parties les plus basses ; un simple chapelet suffit alors pour les déverser dans le canal général, et le chapelet lui-même est mis en action par le cours des eaux.

C’est un préjugé de croire qu’il faut que les canaux généraux d’un dessèchement soient toujours en ligne directe ; par-là, on manque un dessèchement, ou on ne l’opère qu’avec des machines dispendieuses.

Je viens de présenter deux hypothèses où il est évident qu’on doit préférer des canaux sinueux ; il en est une troisième qu’il ne faut pas omettre.

Il arrive assez souvent qu’après un dessèchement fait le fond de terre se trouve ardent, sablonneux ou trop compacte ; alors le sol, livré aux chaleurs de l’été, se fend en longues crevasses ; tout se dessèche, tout jaunit, tout brûle à sa surface. Si, dans un tel terrain, vous eussiez adopté les canaux sinueux, ralenti le cours des eaux, multiplié leur surface, augmenté les bienfaisantes rosées des brouillards du matin ; alors, dis-je, vous eussiez porté par-tout la fraîcheur et la vie, vos prairies et vos blés seroient toujours verts, et vous ne verriez plus vos bestiaux maigres et desséchés, n’oser appuyer le pied sur un sol brûlant qu’ils voudroient fuir pour jamais.

Pentes trop lentes. Les pentes sont-elles trop lentes ? souvent il suffit de ralentir momentanément le cours même de l’eau par des écluses à poutrelles ou des chaussées mobiles ; les eaux s’élèvent alors, deviennent plus rapides, et font, sur les parties inférieures, l’effet d’une écluse de chasse. (Voy. ci-après.)

Il est inutile de dire qu’alors les canaux les plus directs sont toujours à préférer.

Pentes nulles ou irrégulières. Défaut de pentes. Je dois observer que les pentes nulles ou irrégulières n’existent presque jamais à dessécher ; ce sont presque toujours de grands bassins que les eaux mêmes ont nivelés, et la bienfaisante nature a placé auprès d’eux des bassins inférieurs et naturels ; il n’y a donc d’obstacles à vaincre que pour le canal qui doit communiquer d’un bassin à l’autre.

La majeure partie des terrains inondés en France le sont par des lacs ou des rivières qui s’extravasent, si j’ose ainsi parler, et se répandent sur des terrains qui sont au dessous de leurs eaux enflées par les pluies ou par les torrens. Alors il suffit d’élever le long des bords du fleuve une chaussée parallèle, pour contenir ses eaux, et de creuser un canal intérieur également parallèle au fleuve, et qui va à un ou deux myriamètres lui porter ces mêmes eaux qu’il refusoit de contenir dans la partie supérieure de son cours. C’est ainsi que le génie de l’homme sait quelquefois modifier, à son avantage, les lois mêmes de la nature qui ne devient rebelle que lorsqu’on veut lui en imposer et s’opposer à ses immuables décrets.

Je pourrois ici multiplier les exemples ; mais je ne décrirai jamais tous les cas particuliers. Qui pourroit croire, si l’expérience ne l’eût prouvé, qu’il suffit quelquefois de creuser des puisards dans