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que celle des mérinos. Cette opposition a existé, et existe encore dans tous les lieux où l’on a tenté d’introduire ces animaux ; mais les faits qui détruisent, sans réplique, les assertions et les faux raisonnemens avancés sur cette matière, ne permettent plus de doute à cet égard. Il seroit trop long de réfuter en détail toutes les objections. Nous avons rempli cette tâche dans les deux ouvrages que nous avons publiés sur les mérinos[1]. Nous nous contenterons d’ajouter quelques observations à ce que nous venons de dire plus haut.

On a prétendu que la chair des mérinos étoit moins bonne que celle des autres races de moutons.

Le contraire est cependant bien prouvé, non seulement en Espagne, mais encore en France, en Suède, en Angleterre, etc. Si le mouton qu’on mange en Espagne est en général maigre, coriace et d’un mauvais goût, cela provient de ce qu’on livre les animaux à la boucherie, lorsqu’ils commencent à dépérir de vieillesse, et même sans leur avoir fait subir la castration.

Nous ayons cependant mangé, en Espagne, du mérinos dont la chair étoit très-délicate, sur-tout en Estramadure, où elle est assez généralement préférée à celle des races à grosse laine. On a reconnu ses bonnes qualités en France et ailleurs, soit par des expériences faites à dessein, soit par une consommation habituelle. La facilité que les mérinos ont à prendre l’engrais a été constatée de la même manière ; et leur utilité, considérée sous ce rapport, ne le cède à aucune autre race.

§. VII. Avantage qu’elle procure aux fabriques. Après avoir prouvé qu’il est de l’intérêt du cultivateur de se livrer à l’éducation des mérinos, nous croyons devoir exposer les avantages qui en résulteront pour nos manufactures et notre commerce.

Il n’est aucun genre de fabrication qui convienne mieux à la France, que celui des lainages, soit que l’on considère la nature de notre sol, soit que l’on ait égard aux genres de travaux et de préparations qu’exige la fabrication des laines.

En effet, nul pays de l’Europe n’est plus propre à l’éducation des moutons, que la France. La température de notre climat leur est très-favorable ; notre sol ni trop humide, ni trop sec, se couvre de verdure, une grande partie de l’année, et paroît être adapté à la nature et aux besoins de ces animaux. Il ne se trouve peut-être pas un seul district en France, où il ne soit facile de les élever, en leur donnant les soins qu’ils exigent. Non seulement leur éducation s’allie parfaitement à un bon système d’agriculture, mais elle donne en outre les moyens de réparer les pertes du sol, d’accroître les autres produits ; et, par suite, elle favorise la population, l’industrie et le commerce.

La France est un pays essentiellement agricole ; et c’est à tort qu’on s’efforce, d’après l’exemple de quelques puissances voisines, de lui faire jouer, en Europe, un rôle uniquement commercial. Son commerce doit être fondé sur l’agriculture, et non sur des systèmes hypothétiques, et toujours ruineux. Une expérience de plus d’un siècle auroit dû nous

  1. Ils ont pour titre : Traité sur les Bêtes à laine d’Espagne ; leur éducation, leur tonte, le lavage et le commerce des laines ; les causes qui donnent la finesse aux laines. Fig. — Par C. P. Lasteyrie. Paris, an VII. 1 vol. in-8o.

    Histoire de l’Introduction des Moutons à laine fine d’Espagne, dans les divers États de l’Europe et au Cap de Banne-Espérance ; état actuel de ces animaux, leur nombre, les différentes manières dont on les élève ; les avantages qu’en retirent l’agriculture, les fabriques et le commerce. Fig. — Par C P. Lasteyrie. Paris, 1802, 1 vol. in-8o.