Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/120

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peu quitté l’état de nymphe, rassure sur leurs intentions.

Lorsqu’on entend dans la ruche & aux environs, un bourdonnement considérable, qu’on voit les abeilles sortir avec affluence de leur domicile, & y rentrer incontinent avec précipitation, tandis que d’autres voltigent autour en bourdonnant avec force, s’approchent des portes & s’en retournent, & qu’elles reviennent ensuite en plus grand nombre ; tout ce vacarme alors, annonce la frayeur de celles qu’on veut assiéger, la désolation & le désordre où les réduit le danger auquel elles prévoient qu’elles vont être exposées, & les mauvaises intentions d’une troupe affamée, qui cherche à enlever de force les provisions qu’on s’obstine à lui refuser.

Comme il est très-difficile de juger si tous les combats que les abeilles se livrent ne sont point occasionnés par les querelles des citoyennes d’un même état, & que ce n’est qu’après le pillage qu’on peut décider certainement par la vue de celles qu’on trouve mortes aux environs du domicile, s’il y a eu des querelles & des combats par rapport au pillage, on pourroit, dès le commencement des démêlés, répandre quelque poudre blanche sur les abeilles qui rôdent autour de la ruche qu’on soupçonne être attaquée, les suivre dans leur fuite, & examiner dans quelle habitation elles se retirent, sans éprouver de résistance de la part de celles qui sont en dedans : par ce moyen on reconnoîtroit la ruche qui renferme les abeilles qui exercent ce brigandage, & une prompte justice les puniroit de leur témérité, & mettroit leurs voisines à couvert de tout danger.


Section III.

Comment préserver les Abeilles du Pillage.


Lorsque la guerre est entiérement déclarée, que l’action est fortement engagée, & que les combattans sont aux prises, il faut se résoudre à faire le sacrifice de la ruche qui est attaquée, si elle n’est pas assez forte pour se défendre elle-même : le mal a fait alors trop de progrès, pour qu’on puisse l’arrêter ; il faut donc le prévenir dans son origine, & ne pas attendre qu’il ne soit plus tems d’y remédier. Il a été dit dans la première section de ce Chapitre, que les abeilles d’une bonne espèce ne se déterminoient à piller leurs voisines, 1o. que quand elles manquoient de provisions ; par conséquent, en leur donnant la nourriture qui leur est nécessaire, dans les tems qu’elles ne peuvent point subsister dans la campagne, elles se fixeront dans leur domicile, jusqu’à ce que la saison leur permette d’aller ramasser des provisions dans les champs, & elles n’iront point livrer des assauts, ni des combats à leurs voisines, pour les dépouiller de leurs richesses. 2o. Pour retenir les abeilles, & les fixer dans leur habitation, il faut s’occuper à la leur rendre agréable, & elle sera de leur goût ; pour cet effet, on doit la maintenir dans une grande propreté, qu’elles sont très-jalouses elles-mêmes d’entretenir, en ayant soin de les nettoyer après leur première sortie, au moins deux fois, comme