Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/182

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sans leur permettre la plus petite dissipation, après qu’elles ont pris ce qui leur est absolument nécessaire pour vivre ; par conséquent, on ne peut en vouloir qu’à leur superflu : or, on est toujours assuré de le trouver ; pourquoi donc ne pas attendre qu’elles puissent s’en passer ? Les auteurs qui conseillent de tailler les ruches en Mars, ne connoissoient que les ruches de l’ancien systême, & leur conseil étoit relatif à la difficulté de cette opération, qui est très-grande avec ces sortes de ruches, quand il fait très-chaud, parce que les abeilles sont alors très-vigoureuses & fort vives, & on ne les approche pas sans craindre de les porter à la colère, & de les exciter à faire usage de l’aiguillon ; dans le mois de Mars, au contraire, elles sont plus traitables, parce qu’il fait moins chaud qu’au mois de Mai. Nous avons prouvé qu’on peut tailler les ruches composées de hausses, sans danger en toute saison.

M. Palteau, & ceux qui se sont dispensés de réfléchir & d’observer parce qu’il avoit parlé, tels que MM. de Massac & Boisjugan, &c., conseillent de réchauffer les abeilles de tems en tems dans le mois de Mars, afin de les tirer plutôt de leur état d’engourdissement, dont ils croient que la durée peut leur être nuisible. Ils n’ont pas fait attention que c’est exactement vouloir réveiller, par raison de santé, un homme qui dort d’un profond sommeil, pour le faire manger. Il faut laisser agir la nature ; voilà la bonne règle. Pourquoi rendre les abeilles délicates par des soins inutiles ? dans les bois, elles attendent patiemment que le soleil soit assez chaud pour les sortir de leur léthargie ; pourquoi, dans nos ruches où elles sont infiniment mieux, auroient-elles besoin de ces attentions, dont elles se passent à merveille quand elles ne sont logées que dans le tronc d’un arbre ? En réchauffant les abeilles, on les tire, il est vrai, de leur engourdissement ; mais alors elles sont en mouvement dans la ruche, & l’appétit qu’elles gagnent par cet exercice forcé, diminue leurs provisions ; elles s’inquiètent, & s’agitent violemment pour s’échapper : si elles sortent après avoir été échauffées, l’air extérieur, moins chaud que celui de la ruche, les surprend, les saisit ; n’ayant plus la force de gagner leur domicile, elles meurent aux endroits où elles se trouvent, ou deviennent la proie de leurs ennemis.

Dès les premiers jours de ce mois, si l’air est assez doux, on visite les ruches ; & quand on ne craint point de trop refroidir les abeilles, on les soulève pour nettoyer la table avec un petit balai de plume ; on la racle ensuite pour enlever toutes les ordures, on la frotte après, & on l’essuie avec un linge ou une poignée de paille. Il faut alors ôter le grillage qui fermoit les portes, & ne laisser que peu d’ouverture, afin que les abeilles ne sortent pas toutes en même tems : pourvu que trois ou quatre puissent passer à la fois, cela suffit, jusqu’à ce que l’air extérieur soit assez tempéré, pour qu’on puisse les laisser sortir sans gêne, en ouvrant toutes les portes, comme elles le font dans la belle saison. En visitant