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dont on aura marqué la branche. La soie conserve mieux sa couleur que les fils de chanvre, de lin, &c. cependant n’employez jamais ni soie violette, ni verte, ni rose : ces couleurs passent trop vîte, exposées au grand air.

Lorsque le fruit aura acquis sa maturité sur l’arbre, détachez-le & conservez le noyau pour le replanter dans la saison, & sur le même registre indiquez le lieu de sa plantation & la contre-marque qui le désigne. L’arbre venu donnera son fruit, & vous jugerez alors du succès de votre expérience. Telle est la marche que j’ai vu suivre à un amateur de Hollande, soit pour les arbres fruitiers, soit pour les fleurs d’ornement. Il faut du tems, il est vrai, pour jouir ; mais quel plaisir, quelle satisfaction, lorsque la récompense couronne le travail ! Si l’expérience n’a pas réussi, on n’a rien perdu, puisque l’arbre sert tout comme un autre, & on est toujours à même de le greffer. Les principes sur lesquels l’hibridicité est fondée, seront détaillés plus au long au mot Hibride.

L’abricotier aime les pays chauds. Les abricots de Provence, de Languedoc, de Roussillon, n’ont pas le même parfum, ni le goût aussi exquis, que ceux de Damas, si vantés dans le Voyage de M. Pockocke, ni que ceux d’Alep & d’Aintab, décrits dans le Voyage de M. Otter. Si on tire une ligne transversale de Dijon à Angers, on trouvera que plus on approche du nord du royaume, plus l’abricot perd de sa qualité, & plus cette qualité augmente, en se rapprochant du midi. Il n’y a aucune comparaison à faire, soit pour le goût, soit pour l’odeur, entre les abricots des environs de Paris, & ceux de Lyon, de Bordeaux, de Montpellier, d’Aix, &c.

L’homme toujours impérieux, & prêt à commander, veut sans cesse soumettre la nature à ses volontés & à ses caprices : on diroit que tous ses soins tendent à la contrarier. L’arbre se venge, donne des fruits médiocres, & périt beaucoup plutôt que s’il avoit été livré à lui-même, parce que, dans cet état forcé & de servitude, il est sujet à un plus grand nombre de maladies. L’abricotier est une preuve de ce que j’avance ; ses fruits sont pâles, aqueux & fades en espalier ; succulens & bien colorés en plein vent. L’espalier tend toujours à reprendre ses droits : les branches gourmandes se multiplient, & leur végétation vive & rapide finit par épuiser les branches inférieures, si l’art du jardinier ne la retient en captivité. Que d’insectes couvrent & vivent sur l’espalier ! Que de feuilles cloquées ! Quelle quantité de gomme suinte de toutes parts, & dit à l’homme : Je suis ton ouvrage ! Si au contraire vous jetez un coup d’œil sur l’abricotier à plein vent, livré à lui-même, & non pas mutilé suivant l’usage des environs de Paris, les feuilles ne sont point cloquées, nul insecte sur l’arbre, &c. s’il y paroît de la gomme, c’est en petite quantité, & encore elle est presque toujours due à l’effet des gelées blanches du printems qui altèrent les jeunes pousses, & fait refluer l’abondance de la sève en dehors, où elle forme la gomme. Les Chinois, plus près de la nature, & plus sages que nous, ignorent