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sacrifié à l’agréable, & parce que le modeste agriculteur ne jouissoit plus d’aucune considération.


CHAPITRE II.

Les vues des Romains relativement à l’Agriculture, étoient-elles liées avec les vues politiques du Gouvernement ?

Il est prouvé par le chapitre précédent, que Romulus & Numa réunirent les loix agricoles aux loix politiques du gouvernement, & établirent pour gage de leur réunion les institutions & les cérémonies religieuses. Tel fut l’esprit de Rome sous ses rois. Le peuple romain ne pensoit pas uniquement alors à la guerre & aux conquêtes comme dans les tems de la république. On pourroit presque dire que la seule nécessité de pourvoir à sa subsistance, lui mettoit les armes à la main pour s’approprier les moissons de ses voisins.

Après l’expulsion des rois, les citoyens, ambitieux de parvenir aux charges de la république, & de la gouverner, mirent en usage tous les moyens capables de leur gagner les suffrages de la multitude. Ils se parèrent du zèle & de l’esprit de patriotisme, prirent le parti du peuple, & demandèrent l’augmentation de leurs propriétés. Telle fut la route que suivit Licinius-Stolo, & que tant d’autres avoient frayée avant lui pour parvenir à leur fin. Combien de pareils exemples fournit cette histoire ! & ils prouvent tous que s’il est résulté quelques avantages pour l’agriculture romaine, c’est par une voie indirecte : ce bien ne fut jamais l’ouvrage des vues de la république ; mais l’effet du zèle intéressé de quelques particuliers. Il suffit de lire sans prévention l’histoire romaine, d’étudier & de réfléchir sur les causes de ses grands événemens, pour se convaincre de cette vérité.

S’il y avoit une liaison nécessaire entre les loix politiques & les loix agricoles, si les romains avoient regardé l’agriculture comme la base durable de la prospérité de l’empire, ils n’auroient pas été dévorés de l’ambition de conquérir & de gouverner l’univers entier. Que de sang répandu ! quelle diminution dans le nombre des cultivateurs, puisque pour être soldat, il falloit être propriétaire ! L’idée d’une monarchie universelle qui flattoit si fort l’amour-propre de ce peuple-roi, fut encore un des stratagêmes employés par les intrigans. Ils proposèrent de nouvelles guerres, afin de commander les armées, ou afin d’éloigner du sein de la métropole ceux qui leur faisoient ombrage, ou qui nuisoient à leur avancement. Ainsi les loix politiques, comme les loix agraires, furent l’ouvrage du crédit de quelques particuliers, parce qu’il tournoit à leur avantage.

Sans cette manière d’envisager les objets, seroit-il possible d’expliquer la contradiction monstrueuse qui se trouve entre les loix & la conduite de ce peuple ? La loi défend de posséder plus de cent têtes de gros bétail & cinq cents brebis : comme si une loi pouvoit priver le propriétaire du droit naturel de nourrir sur son terrain autant de bétail que son intérêt l’exige ! Il défend par une autre loi de convertir les terres labourables en prairies, en suppo-