Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/284

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connoît par les sables qu’elle est la rivière supérieure dont la masse des eaux a fait croître le fleuve. Le limon venu de la Saone est toujours jaunâtre & fertile ; le Rhône traîne un sable blanc, sec, sans mélange de terre, très-quartzeux ; celui de l’Isère est brun, schisteux ; ceux de la Durance & de la Drome, secs & arides, &c.

Si actuellement on jette un coup d’œil sur les chaînes de montagnes qui traversent ce bassin inférieur de l’est à l’ouest, on trouvera, comme dans le supérieur, des climats dont la chaleur augmente moins en raison de leur approximation du midi, qu’en raison des abris formés par les montagnes. Nous avons dit que la masse habituelle de chaleur étoit plus forte à Lyon de trois à quatre degrés qu’elle l’est, par exemple, à Dole, à Besançon. Au dessous de Lyon, elle varie visiblement de dix en dix lieues tout au plus. Lyon est abrité au nord par la haute montagne du Mont-d’Or ; Vienne, par une chaîne coupée par le Rhône, & qui se réunit à celle du Lyonois. Tournon & Thain, accolés au rocher, n’ont que le Rhône entre-deux. Ici les grenadiers commencent à être plantés en haie, pour circonscrire les héritages : la chaîne du Mont-Pilat les couvre du vent du nord. Montelimar est également abrité par une très-haute montagne ; & dès qu’on a contourné Montelimar pour remonter le Rhône, on ne trouve plus d’oliviers ; voilà leurs limites. Cet arbre si précieux commence à y devenir assez rare ; quelques-uns ont échappé au rude hiver de 1776. Les montagnes, les collines qui les abritoient, sans cesse dégradées par les pluies, battues des vents violens, particuliers à ces climats, se sont abaissées, & l’olivier exposé au vent froid du nord a péri. La chaîne du St. Esprit offre un nouveau climat, ainsi que celle du Mont-Ventoux, dans le comtat d’Avignon, &c. On doit donc regarder chacune de ces divisions, chacun de ces abris, comme un bassin très-particulier, soit pour l’intensité de chaleur, soit pour la diversité de ses productions & de leurs qualités. Ces qualités sont très-distinctes dans les vins. Ceux de Sainte-Foy, de Millery, de Charly près de Lyon ; de Côte-Rôtie près de Vienne ; de l’Hermitage à Thain ; de Saint-Peret & de Cornas, vis-à-vis Valence ; de Châteauneuf-du-Rhône, de Donzère, de Châteauneuf-du-Pape, &c. ont des caractères si marqués, qu’on ne peut s’y méprendre, & ils les doivent aux abris & aux plants de raisins qu’on y cultive.

Après avoir parcouru toutes les parties basses de ce grand bassin du Rhône, & des rivières qu’il reçoit, si on suit les montagnes de chaîne en chaîne, on verra qu’à hauteur égale les cultures & les productions y sont partout les mêmes. Les sapins des Alpes, des Monts-Jura, se retrouvent au Mont-Pilat. Les pins des montagnes moins élevées font presque le contour de ce grand bassin. Beaucoup de seigle, point ou peu de froment, du bled sarrasin ou bled noir, des pommes de terre, y sont les objets des cultures. Leurs arbres fruitiers y sont tardifs, & leurs fruits sont transportés dans la plaine, surtout les pommes, ainsi que les châtaignes & les marrons, dont le goût est excellent. Ces