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de fond de terre pour végéter. L’oignon scille ou squille végète, croît, pousse une tige depuis quatre jusqu’à dix pieds de hauteur : il fleurit même suspendu au plancher d’un appartement. Les oignons de hyacinthe, de tulipe, de narcisse, végètent sur les cheminées dans des carafes pleines d’eau, &c. Il est donc de la nature de toutes les liliacées d’absorber l’humidité de l’air ou celle qu’on leur procure, & de végéter par ce seul secours. On demandera, pourquoi les habitans de la Tranche cherchent-ils à donner du corps à leurs sables par les engrais dont ils se servent ? C’est moins pour donner du corps à leur terre, que pour y mettre une substance qui attire puissamment l’humidité de l’air, & remplace celle que l’ardeur du soleil a fait perdre pendant le jour. En effet, si on examine la nature de l’engrais employé, on verra qu’il est chargé de sel marin, & que le sel marin a une propriété singulière de se décomposer & de se combiner ensuite avec l’acide de l’air ; & de la combinaison de ces deux sels, il en résulte une facilité extrême à absorber l’humidité. Voilà la théorie de cet engrais.

Cet exemple si décisif & si tranchant, devroit donc engager les habitans des bords de la mer, garnis de dunes & de sables, à se procurer une récolte qui diminueroit leur misère en augmentant leur bien-être. Il n’est pas de semaine que les cultivateurs du village de la Tranche ne transportent une très-grande quantité d’ail & d’oignon à l’île de Ré, pour être vendue aux vaisseaux étrangers qui sont dans ce port. De tous les produits de petite culture, il n’en est aucun qui donne moins de peine pour la culture, & dont le débit soit plus assuré. Il faut avoir vu à la foire de Beaucaire l’inombrable quantité d’ail qu’on y vend, pour se faire une idée de sa consommation. Dix vaisseaux, uniquement chargés de ce végétal, n’enlèveroient pas tout ce qu’on en apporte à cette foire. Si on excepte Paris & l’intérieur du royaume, on en consomme beaucoup par-tout ailleurs.

Du tems de le planter. Dans les provinces méridionales, comme en Provence, en Languedoc, on plante les aulx à la fin de Novembre, ou au commencement de Décembre, & les plus paresseux dans les premiers jours de Janvier. Dans les provinces du nord au contraire, on les plante en Mars. De ces deux points extrêmes, chacun, suivant sa position, trouvera l’époque où il doit les confier à la terre.

Quelques auteurs disent qu’il faut semer la graine, & font de beaux raisonnemens sur le tems & sur la manière de la semer. Ils ont écrit dans leur cabinet sans connoître l’objet dont ils parloient. Semer la graine d’ail & perdre son tems, sont des mots synonymes, puisqu’on perd complettement une année par ce puéril procédé. Une tête d’ail contient ordinairement depuis huit jusqu’à quinze caïeux ; il s’agit seulement de les séparer, & chaque caïeu fera sa plante dans l’année même, & en produira autant d’autres. On peut en général compter dix pour un, suivant le terrain.

Des labours. Plus la terre sera ameublie, mieux la bulbe profitera. Il faut donc que la terre soit labourée profondément, au moins à huit à dix pouces ; il seroit plus