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est-elle si acide avant sa maturité, & devient-elle alcaline après que ce terme est écoulé ? Pourquoi une plante en putréfaction donne-t-elle tant d’alcali & si peu d’acide, tandis qu’auparavant il eût fallu de vraies opérations chimiques pour en extraire le peu qu’elle sembloit contenir ? C’est un phénomène assez difficile à expliquer. Cependant, ne pourroit-on pas dire, que dès le premier instant que la plante vient à naître, jusqu’à celui de sa décomposition totale par sa mort naturelle, la nature prépare sa destruction par la fermentation putride. Plus acide qu’alcaline dans son enfance & sa jeunesse, la surabondance du premier principe masque presqu’absolument le second ; mais comme il tend continuellement à se développer, insensiblement il devient égal ou en force ou en quantité, & alors l’état de maturité est arrivé, où la plante & le fruit n’ont qu’une saveur agréable ; la partie muco-sucrée paroît seule dominer ; elle a acquis son état de perfection, celui qui est le plus propre à subir toute fermentation. Elle s’établit ; le premier degré, la fermentation vineuse dégage l’air fixe, cet acide qui, comme le pense l’abbé Fontana, pourroit bien être le principe de tous les acides végétaux. L’alcali prend le dessus par l’absence de l’acide ; il domine, agit, décompose & se développe à son tour. Telle est peut-être la marche que la nature suit dans ce phénomène. Nous nous gardons cependant bien de prétendre que ce soit là la vérité ; c’est d’après de nombreuses expériences, & des observations exactes, qu’il faut attendre une explication sure.

Comme tout ce qui nous appartient immédiatement nous touche infiniment plus que ce qui ne fait que nous environner, les effets des alcalis par rapport à l’économie animale, nous sont plus connus. Nous savons que trop souvent les humeurs contenues dans les premières voies, tournent à l’aigre & à l’acide ; il faut arrêter de bonne heure ces ravages, qui feroient à la longue des progrès terribles : les alcalis sont heureusement employés dans ces cas ; ils forment alors une espèce de sel neutre qui devient purgatif. En général, les alcalis fixes conviennent dans toutes les aigreurs & dans les maladies qui doivent leur origine à quelqu’acide spontané ; ils sont même préférables aux terres absorbantes dont on fait un si grand usage. À l’intérieur, ces substances salines sont fondantes, apéritives, purgatives & lithontriptiques ; & à l’extérieur, elles sont résolutives, discussives & caustiques.

L’alcali volatil est employé en médecine comme un très-puissant stimulant & excitant, lorsqu’on en fait respirer la vapeur : on s’en sert en cette qualité dans les évanouissemens, les syncopes, l’apoplexie, les asphyxies, & dans toutes les maladies soporeuses dans lesquelles il y a engourdissement & atonie des parties nerveuses : on fait respirer dans tous ces cas, des flacons qui se contiennent ou en forme concrète, & sous le nom de sel d’Angleterre, ou en forme fluide, réduit avec de l’huile de succin dans un état demi-savonneux, & portant le nom d’eau de Luce. Il faut avoir très-grand soin, en le faisant respirer, d’éviter d’en laisser tomber quel-