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son régime de vie doit différer peu de celui de l’homme.

3o. En raison de l’état.

Plus l’état qu’on exerce exige des travaux fatigans, plus il est nécessaire d’user d’alimens succulens, sans quoi le corps s’affoiblit : c’est ce qui arrive aux gens de la campagne ; ils travaillent depuis le matin jusqu’au soir, & à toutes les intempéries de l’air ; ils font des pertes considérables de substances, & ne font usage que d’alimens grossiers & peu nourrissans : aussi sont-ils sujets à des maladies très-graves, que l’on parvient à guérir plutôt avec de bons alimens, qu’avec des médicamens qui achèvent de ruiner leurs corps affoiblis par le travail & par la douleur.

Cessez donc, ampoulés déclamateurs, de nous vanter le bonheur des habitans de la campagne : vous ne faites que le roman de ces êtres malheureux & respectables, mais vous n’êtes pas dignes d’écrire leur histoire ! Vous les verriez parvenir à la vieillesse au milieu de leur carrière, manquant des choses les plus nécessaires à la vie, & tourmentés d’infirmités, suites de leurs travaux forcés. Quelques-uns, il est vrai, conservent encore de la vigueur dans un âge avancé ; mais ce sont de ces êtres privilégiés, comme nous en voyons dans nos villes ; ces derniers, quoiqu’en suivant une route opposée, & vivant dans le luxe & dans le libertinage, parviennent à un âge très-avancé : une hirondelle ne fait pas le printems.

4o. En raison du tempérament.

Les alimens doivent varier suivant les tempéramens, pour la quantité & pour la qualité. La raison & l’expérience doivent servir de préceptes pour se conduire, & nous n’en dirons pas davantage sur cet article.

5o. En raison des saisons.

Dans les différentes saisons qui partagent l’année, il est certain que l’appétit n’est pas le même : on mange plus en hiver qu’en été ; dans cette première saison, les fibres sont tendues, la circulation est plus accélérée, & la chaleur intérieure est plus forte : dans la seconde saison, au contraire, les fibres sont lâches, les vaisseaux sont gonflés, & la sueur coule de toutes parts.

Trompé par les effets du froid, on fait usage, dans l’hiver, d’alimens très-chauds ; on se permet même des liqueurs spiritueuses : de là les inflammations intérieures. Dans l’été, on fait tout le contraire ; on use d’alimens très-froids, & de là ces amas d’humeurs, qui, venant à éprouver les mouvemens de la fermentation, déterminent ces fièvres putrides si dangereuses. Si on faisoit plus d’attention à ce qui se passe à l’intérieur du corps, on ne commettroit pas tant d’inconséquences dont les suites sont si funestes ; on s’abstiendroit d’alimens trop chauds pendant l’hiver, & sur-tout on proscriroit les liqueurs spiritueuses : dans l’été, on rejetteroit les alimens trop froids ; on feroit usage des fruits aigrelets tels que la nature, qui sait mieux ce qui nous convient que nous-mêmes, nous les produit ; on se permettroit de tems en tems quelques cuillerées de liqueurs spiritueuses qui, en donnant un peu de ton aux fibres relâchées &c affoiblies par les sueurs excessives, empêcheroient ces congestions