Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/43

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cessivement différentes parties de son corps, & tournoit sans cesse autour de lui, pour le flatter avec sa trompe ou avec ses pattes : le mâle imbécille & indolent recevoit toutes ces caresses avec froideur & avec indifférence. À force d’être prévenu, il sortit de son état d’indolence, il s’anima un peu pour répondre aux empressemens de la femelle, qui lui brossoit continuellement la tête : à son tour, il frotta ses antennes contre les siennes, pour lui témoigner sans doute qu’il étoit disposé à se rendre à ses desirs impatiens ; alors tous les deux recourboient leur corps en dessous & le relevoient ensuite. La femelle redoubla de vivacité, & témoigna l’impatience de son ardeur, en se mettant dans la position qui convenoit au mâle ; montée sur son dos, elle recourboit son corps, & tâchoit d’en appliquer le bout contre celui du mâle. Moins indolent, & plus actif par cette hardiesse de la femelle, il sentit sans doute le penchant de la nature, qui se manifesta par la sortie des deux cornes charnues, & du pénis qui parut ensuite recourbé sur son dos. La singulière conformation de cet organe exige que la femelle soit placée sur le mâle, afin qu’il puisse être introduit dans la vulve. Après plusieurs alternatives de caresses & de tranquillité, le mâle mourut. La femelle parut très-touchée d’avoir perdu l’être qu’elle avoit eu tant de peine à rendre heureux : la vue d’un second mâle qu’on lui offrit ne diminua point sa douleur, ni son empressement à rendre au premier tous les bons offices qu’elle jugeoit capables de le rappeller à la vie : ses efforts furent inutiles, il n’existoit plus, & les organes de son sexe étoient restés hors de son ventre. Le lendemain elle oublia avec le second mâle qu’on lui avoit donné, les chagrins de la veille, & se comporta avec lui comme elle avoit fait avec le premier. M. de Réaumur a répété cette expérience, suivie d’un semblable succès, avec d’autres femelles.

Dans un instant d’accouplement si court, le mâle peut-il introduire dans le vagin de la femelle assez de liqueur séminale pour féconder les œufs qu’elle doit pondre ? Cet accouplement souvent répété, seroit-il suffisant pour donner aux œufs le germe de leur fécondité ? M. de Réaumur n’ose le décider. Cet accouplement si court ressemble à celui des oiseaux, qui ne dure qu’un instant, & qui suffit cependant pour que les femelles pondent des œufs féconds, qui ne le seroient pas sans cela. La fin tragique de ces mâles, dont la mort suit l’instant de leurs plaisirs, paroît au moins prouver qu’au moment de la copulation, il se fait chez eux une dissipation d’esprits, & un épuisement de substance très-considérable, puisque la mort en est la suite. Or, cet épuisement prouveroit un accouplement très-complet, quoique fort court. Ces expériences démontrent donc que les faux-bourdons se comportent avec les femelles d’une manière analogue à leur sexe.

M. Schirach, secrétaire de la société économique de Klein-Brentzen dans la Haute-Lusace, vient de publier de nouvelles observations, qui renversent & détruisent toutes les conséquences qu’on peut tirer de