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une cellule d’ouvrières, y entre & dépose son œuf. Mais s’il est vrai, comme l’a observé M. Riem, que les abeilles déplacent les œufs, & qu’elles paroissent avoir un certain but en vue dans ce déplacement, cette opération de leur part annonceroit que la reine pond indifféremment trois sortes d’œufs sans les connoître, & que les abeilles ouvrières qui savent les distinguer quand ils sont pondus, les placent dans les cellules convenables.

La plupart des auteurs parlent de la ponte de la reine comme d’un tems consacré à la joie pour toute la république. Si on s’y livre au plaisir, le travail n’en est point interrompu ; c’est au contraire le tems où les ouvrières sont plus chargées d’occupations, & celui où elles prennent moins de repos : quand il faut préparer des logemens pour trente ou trente-cinq mille sujets, dont la reine va peupler ses états, qu’il faut pourvoir à leur subsistance en voyageant très-loin pour trouver les provisions nécessaires, on n’est guère libre de prendre du repos : aussi il arrive souvent que la reine, pressée de pondre, n’attend pas la construction parfaite des logemens ; à peine sont-ils ébauchés qu’elle y place ses œufs. Le cortège qui la suit a pu donner lieu de croire que toute la république se réjouissoit dans l’espérance de voir bientôt de nouvelles compagnes : lorsqu’elle paroît sur les gâteaux, elle est suivie effectivement d’un nombre assez considérable de ses sujettes, qui ne la quittent point : aux caresses qu’elles lui font, aux soins qu’elles lui rendent, on diroit qu’elles sont toutes empressées à lui faire la cour & à lui rendre des hommages ; les unes ne sont occupées qu’à la brosser, ou à lui offrir du miel en étendant leur trompe devant elle ; d’autres lui lèchent les derniers anneaux de son corps, lorsqu’elle est sortie d’une cellule où elle a déposé un œuf. Elle marche toujours au milieu de cette cour, quelquefois composée seulement de sept à huit abeilles qui l’environnent, ayant leur tête tournée de son côté.

Avant de déposer son œuf, la reine entre, la tête la première, dans la cellule pour examiner, sans doute, si elle est en état de recevoir le dépôt qu’elle veut y placer ; elle sort ensuite ; si elle lui convient, elle y rentre par la partie postérieure de son corps, s’y enfonce jusqu’à ce que son derrière touche au fond, & dépose son œuf à l’angle de la base de l’alvéole, ou à l’un de ceux que forment les deux côtés des deux rombes, selon que la base de l’alvéole est construite, ou suivant qu’elle a plus ou moins enfoncé son derrière. Cet œuf qui sort de la vulve de la femelle, enduit d’une matière visqueuse, reste attaché par un de ses bouts au fond de l’alvéole. (Fig. 5, Planc. 1.) Un instant suffit pour que la reine ponde & place un œuf dans une cellule, d’où elle sort tout de suite pour rentrer dans une autre, où elle fait la même opération, & toujours dans le même ordre. Quand elle est pressée, & que les logemens ne sont pas prêts, elle place plusieurs œufs dans la même alvéole, & laisse aux ouvrières le soin de les transporter lorsqu’elles auront achevé la construction de leurs édifices. M. de