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en terreau. Il est vrai que ce terreau ne sera peut-être en état d’être employé que l’année suivante, ou même deux ans après, mais ce n’est jamais qu’une première avance. (Voyez au mot Terreau, la manière de le faire) On suivra la même méthode pour toutes les herbes qui seront arrachées. Il est bien démontré que l’indigo dégraisse & effrite beaucoup la terre, c’est-à-dire que sa végétation absorbe beaucoup le terreau ou l’humus qui est l’ame de la végétation, & on se plaint chaque jour dans nos îles, que les terres à indigo se détériorent de plus en plus. Cependant on a la ressource des herbes des prairies ou savanes, & quelques-unes d’entre ces herbes s’élèvent à plusieurs pieds de hauteur. Tout ce qui n’est pas nécessaire à la nourriture du bétail doit lui servir pour la litière ; & si on n’a point ou peu de bétail, il convient de faire pourrir ces herbes dans des fosses recouvertes avec de la terre, ou bien de faire un lit de six à huit pouces d’herbes, & un lit de deux pouces de bonne terre, & ainsi successivement. On se procurera par ce moyen un bon engrais & peu coûteux. (Voy. le mot Engrais)

Après que le terrain est bien défoncé, un ou plusieurs nègres armés d’un rabot, le nivellent. Ce rabot est un morceau du fond d’un baril percé dans son milieu, & par ce trou passe un manche de six pieds de longueur ; il fait l’office du râteau dans les mains de nos jardiniers. Quelques habitans se contentent de travailler seulement la place où l’on doit semer ; il est vrai que l’ouvrage est plutôt achevé ; mais équivaut-il à celui du labour complet ?

2o. De la manière de le semer. Les nègres qui doivent travailler se rangent sur une ligne dans la partie la plus élevée du terrain, & marchant à reculons, ils font de petites fosses de la largeur de leur houe, & de la profondeur de deux pouces ; chaque fosse est éloignée de cinq à six pouces, & en ligne droite le plus qu’ils peuvent. Pour ne pas être interrompu lorsqu’on plante, il faut auparavant partager les divisions qu’on tire à la ligne, de façon que toutes les chasses doivent être marquées, afin qu’à la première pluie on mette aussitôt la main à l’œuvre, & qu’on ne s’occupe uniquement qu’à planter ; car étant incertain de la durée de cette pluie, & du jour où elle tombera, il est essentiel de ne pas laisser échapper des momens si précieux. À mesure que les nègres font les trous, les négresses, munies d’une calebasse partagée en deux, & remplie de graines, en mettent dans chaque trou que les nègres viennent de faire, pendant que d’autres les suivent immédiatement avec les rabots, & recouvrent ces fosses d’un bon pouce de terre. Sept ou huit graines de l’indigo franc suffisent pour chaque trou, & on en met moins dans les trous de l’indigo bâtard ; il faut diligenter ce travail, lorsque la pluie y invite, & cesser de planter lorsque la terre est sèche.

La nécessité force quelquefois à planter à sec, c’est-à-dire pendant la sécheresse, afin d’avancer la plantation, parce qu’un grain ou deux de pluie de suite ne suffisent pas pour la plantation d’une quan-