Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/639

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

feuilles. Ces parties nouvelles demandent une nouvelle abondance de nourriture. Les racines seules ne pourroient y suffire, si ces mêmes parties n’y suppléoient elles-mêmes. Les feuilles séminales d’abord, les feuilles propres ensuite achèvent ce que les racines avoient commencé. Les feuilles, le tissu spongieux, les branches même, tout tend à fournir à la plante une nourriture aussi abondante que celle qu’elle tire des racines.

L’air, le suc propre, la séve, tels sont les principes qui concourent à la nourriture & à l’entretien de la plante. L’air pénètre les trachées, circule avec elles, établit par-tout un mouvement vivifiant, agent unique, moteur puissant de toute vie. Le suc nourricier, parvenu dans les racines, s’élabore dans toute la capacité de la plante, monte jusqu’à l’extrémité la plus élevée, où le surplus de ce qui est nécessaire à l’entretien s’évapore par la transpiration insensible.

Peut-être très-peu différente du suc nourricier, la séve est formée de tout ce qui peut servir à l’entretien de la plante. On a cherché long-tems les causes qui déterminent la séve à monter dans les plantes. Borelli l’a attribué à la raréfaction & à la condensation de l’air ; Lahire, à la disposition des valvules dans les fibres longitudinales, & à la transpiration de la plante ; Laboisse, à la contraction & à la dilatation de l’air & des trachées ; Malpighi, à l’aspérité des canaux & à la température de l’air, &c. ; d’autres savans, d’autres systêmes. On dispute encore sur ce sujet, on dispute même sur la circulation de la séve. Les uns la comparant au sang des animaux, veulent qu’elle ait un mouvement de circulation continuelle, analogue à celui de systole & de diastole : d’autres, paroissant se rapprocher de plus près de la nature, distinguent la séve ascendante de la séve descendante. La première, s’élevant des racines, parvient jusqu’aux feuilles ; la seconde, s’introduisant par les feuilles, se précipite vers les racines. Mais ce qui est constant, c’est que, ou la séve unique, ou les deux sèves, ont une progression en rapport avec les saisons. En parcourant la plante, elles la nourrissent & produisent son accroissement par l’aglomération des nouvelles particules qu’elles déposent sur la route.

À chaque renouvellement de la séve, c’est-à-dire chaque année, la tige, le corps ligneux, le tronc, les branches prennent de l’accroissement, tant en longueur qu’en grosseur. Son diamètre s’étend, & l’épiderme, dont le développement n’est pas proportionnel à celui du tronc, ne pouvant plus recouvrir l’écorce qui se dilate à chaque pousse, se déchire en morceaux. Cet accroissement périodique & journalier, (voyez ce mot) dont nous avons déjà vu la théorie, ne frappe que les yeux d’un observateur attentif. Rarement ce qui est insensible, quelque intéressant qu’il soit par lui-même, fixe-t-il les regards du commun des hommes. Il faut, pour piquer leur indifférence, des prodiges, ou du moins un spectacle nouveau, des événemens subits, des phénomènes extraordinaires ; tel, par exemple,