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générale d’arbre, d’arbrisseau, de sous-arbrisseau & d’herbe, répond en quelque sorte aux grandes divisions que la nature a mises parmi les animaux qui se distinguent en quadrupèdes, oiseaux, poissons & insectes. Il faut cependant convenir que cette règle, prise dans la hauteur différente des arbres, n’est pas bien satisfaisante, puisqu’une espèce de chêne s’élève jusqu’aux nues, & une autre espèce rampe sur la terre. Cette dernière n’est pas moins arbre que la première ; car toutes ses parties sont semblables, à la hauteur près.

Les arbrisseaux, en général, poussent plusieurs tiges de leurs racines, & elles sont presque égales en hauteur & en grosseur : l’arbre, au contraire, n’en pousse qu’une seule : ainsi l’arbrisseau qui s’élance sur une tige unique, peut être considéré comme un des chaînons de la dernière classe des arbres, & comme un des premiers de celle des arbrisseaux.

La première classe des arbres, ou le premier ordre, comprend le chêne, le hêtre, l’ormeau, le noyer, le châtaignier, &c. en un mot, les espèces qui demandent pour ainsi dire des siècles avant de parvenir à leur plus grande perfection. La seconde offre des arbres dont la végétation est plus rapide, quoiqu’encore très-lente : telle est celle du frêne, de l’alizier, &c. La troisième renferme presque tous les arbres fruitiers : enfin, la dernière est pour les arbres dont la grandeur est semblable à celle du lilas, du grenadier, &c.

Des auteurs ont simplement considéré les arbres ou comme forestiers, ou comme fruitiers, ou comme aquatiques ; & cette manière de voir est moins exacte que la première, puisque plusieurs arbres sont fruitiers & forestiers tout ensemble, ou plutôt tous les arbres quelconques ont été originairement forestiers ; la culture seule a différencié leurs formes & leurs produits ; enfin, on les considère encore comme arbres à fruit à noyau, à pepins ou à cônes.

Cette multiplicité d’opinions prouve combien il est difficile de fixer les limites par lesquelles la nature sépare un individu d’un autre individu, lorsqu’on veut la suivre dans ses progressions.

2o. De l’utilité des arbres pour l’agriculture. Ce sont les arbres qui ont insensiblement préparé la terre que nous cultivons. Elle doit à leurs débris entassés pendant une longue suite de siècles, cet humus ou terre végétale, qui assure l’abondance des moissons, des productions en tout genre, & sans laquelle tout languit & dépérit. Abattez une forêt, défrichez son terrain, semez du grain, la végétation sera surprenante, & peut-être si prodigieuse, qu’il ne se trouvera plus de proportions entre l’épi appésanti par la grosseur & le nombre des grains, & la tige qui doit le supporter ; mais labourez & semez continuellement sur ce terrain, peu à peu les récoltes absorberont la terre végétale, les pluies en entraîneront le reste dans les vallons & dans la plaine ; enfin ce sol, auparavant noir & fertile, changera de couleur, il ne restera plus qu’un grain de terre sec, aride