Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

un miel d’une mauvaise qualité, & sont contraires aux abeilles. Il est possible que le miel qui provient de ces plantes, soit un aliment dangereux pour nous ; mais qu’il le soit aussi pour les abeilles, c’est un fait difficile à vérifier par l’expérience. Quand même il seroit démontré que ces différens végétaux nuiroient aux abeilles, il ne seroit point aisé de parvenir à les arracher tous, quelques soins & quelques peines qu’on prît pour cela : on peut les extirper dans ses possessions ; mais, dans celles des autres, on n’a pas la même liberté. On auroit certainement mauvaise grâce d’aller prier son voisin de faire abattre une allée de tilleuls, d’arracher les buis, les ifs, qui ornent son jardin, sous prétexte que ces plantes sont nuisibles aux abeilles.


Section V.

Des différentes positions relatives au profit qu’on peut y tirer des Abeilles, & du nombre de ruches qu’on peut y placer.


Dans toutes les campagnes, on peut élever des abeilles ; tous les endroits sont une position plus ou moins avantageuse. Pour ne multiplier les ruches qu’en proportion de la nourriture que les abeilles peuvent trouver aux environs de leur domicile, il est bon de connoître la qualité du pays qu’on leur fait habiter, son degré de fertilité, & la sorte d’abondance qu’il peut fournir pour leurs différentes récoltes. Les positions varient à l’infini ; c’est au cultivateur à les connoître ; sa seule expérience doit être son guide dans le nombre de ruches qu’il peut avoir, sans prétendre donner des règles certaines à cet égard, qui supposeroient des connoissances locales, qu’il n’est point possible d’acquérir parfaitement : on peut cependant réduire à trois les positions où l’on peut espérer que les abeilles profiteront. La première & la meilleure sont les campagnes où abondent les prairies ; où l’on cultive, dans de vastes plaines, quantité de sarrasin, ou bled noir ; qui sont voisines des bois, des montagnes couvertes de plantes aromatiques, telles que la lavande, le romarin, le thym, le serpolet, le genêt, la sauge, & toutes sortes d’herbes odoriférantes. Ces positions sont peu communes ; & quand on peut y placer des abeilles, il ne faut pas craindre de multiplier les ruches : quatre ou cinq cents ne viendront pas à bout de recueillir toutes les richesses qui abondent dans un tel pays.

La seconde position est celle d’un endroit où les prés & les ruisseaux sont communs ; où l’on cultive beaucoup de bled ; où se trouve nombre d’arbres à fruits ; où la proximité des bois fournit aux abeilles d’abondantes récoltes. Un tel canton peut fournir les provisions qui sont nécessaires à plus de deux cents ruches.

La troisième, bien inférieure aux deux autres, est celle d’un endroit peu fourni de prairies & d’arbres à fruits ; où l’on cultive peu de bled ; où les bois sont rares & éloignés : une centaine de ruches trouvent avec peine les différentes provisions qui leur sont nécessaires.