Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la porter sur le dos de la main en équilibre ; la troisième, beaucoup plus rare, & citée seulement par le père Kirker, jésuite, consiste à prendre un rejeton de coudrier, bien droit & sans nœuds : on le coupe en deux moitiés à peu près de la même longueur ; on creuse le bout de l’un en forme de petit bassin, & on coupe le bout de l’autre en pointe, en sorte que l’extrémité pointue d’un bâton puisse entrer dans l’extrémité concave de l’autre : on porte devant soi ce rejeton que l’on tient entre les deux doigts index.

Quand on passe au-dessus de quelques courans d’eau, de quelques veines métalliques, ou que l’on est près ou sur les traces d’un voleur ou d’un meurtrier, la baguette dans ces trois positions, tourne sur elle-même, & s’incline perpendiculairement à l’horizon. Il est certain que si cet effet ne dépendoit pas de la volonté de celui qui la porte, il tiendroit vraiment du prodige ; mais rien n’est plus facile que de démontrer que ces différens mouvemens ne sont que le résultat des mouvemens insensibles, mais libres de la main du Rabdomancien.[1] Suivons les trois situations de la baguette : dans la première les deux branches sont retenues dans les deux mains, un peu écartées. Ce premier écartement fait diverger nécessairement les deux branches & tend leurs fibres ; elles doivent chercher à se rapprocher ; plus les branches sont dures & solides, plus l’effort de celui qui les tient doit être considérable pour les écarter. Cette action devient quelquefois sensible dans les muscles de la main, qui se roidissent ; ce gonflement des muscles presse les vaisseaux sanguins & précipite la circulation dans ces parties ; de là, l’élévation du pouls, la sueur & la rougeur des mains que le charlatan fait passer souvent pour des accès de fièvre qu’il éprouve à l’approche de l’objet qu’il cherche. Dans cette situation forcée, veut-on faire tourner la baguette ? il suffit de déverser un peu les deux mains en serrant les branches de la baguette de plus en plus ; ce déversement s’opère en inclinant les mains du dedans en dehors. Comme ce mouvement part du coude, & qu’il peut se faire par des degrés insensibles, il est très-difficile, surtout à des yeux préoccupés, de le saisir. Dans cette action la baguette quitte sa situation horizontale, les extrémités des branches s’inclinent en s’écartant un peu ; la tige se relève par la réaction & le ressort des fibres ligneuses qui cherchent à se rétablir ; les mains cèdent d’elles-mêmes à cet effort, & se rapprochent en dedans, ce qui donne une secousse favorable à la baguette, & qui lui fait achever sa révolution avec rapidité. On conçoit facilement, d’après cette explication, que l’adresse suffit pour en imposer, & que le grand usage donne ce tour de main si précieux, & dans lequel consiste le mystère. L’art est de conduire tous ces mouvemens par des nuances délicates qui puissent échapper aux yeux les plus clair-voyans. Veut-on, au

  1. Homme qui devine par le moyen de la baguette.