Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/124

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exposition. Il est inutile de parler des autres baguenaudiers qu’on ne sauroit élever en pleine terre.


BAGUETTE DIVINE ou Divinatoire, caducée, verge d’Aaron, baguette de Jacob, &c. noms donnés à un rameau fourchu de coudrier, d’aune, de hêtre, de pommier, de laurier & même de tronc d’artichaut, &c. dont quelques charlatans se servent pour découvrir les minières, les trésors cachés, les sources ; & ce qui est encore plus ridicule, les voleurs & les meurtriers fugitifs. La fourberie guidée par l’intérêt, & fortifiée par l’ignorance & par la crédulité du peuple, a cherché de tout tems à en abuser ; il ne paroît pas cependant que l’on doive remonter plus haut que le onzième siècle, pour trouver l’origine de la baguette divinatoire, & même depuis cette époque les exemples de ces prétendus favorisés de la nature, aux yeux desquels elle dévoile ses secrets par le moyen de la baguette, ne se sont-ils pas multipliés infiniment ? La supercherie ne triomphe & ne subsiste qu’auprès de la prévention ; & si le peuple ajoute foi au pouvoir surnaturel des Aimar, des Parangue, des Bletton, c’est que son génie étroit prend pour des merveilles tout ce qui en passe les limites. Le peuple n’est pas toujours la seule dupe de l’adresse d’un fripon qui joint habilement l’astuce à l’extérieur simple & de bonne foi : nous avons vu des savans faits pour éclairer les hommes & dévoiler l’imposture, non-seulement croire, mais encore défendre la baguette divinatoire, l’attribuer à une puissance surnaturelle ses effets merveilleux ; d’autres moins enthousiastes & moins prévenus, n’y voyant qu’une suite de loix de la nature, ont prétendu en expliquer le méchanisme & en attribuer la cause au jeu des vapeurs, des exhalaisons terrestres, & des émanations électriques & magnétiques. Le sentiment de ces derniers, présenté avec art, peut séduire & entraîner, je ne dis pas les ignorans, mais ces demi-savans pour qui l’autorité d’un homme fameux est toujours un oracle certain. Il est donc intéressant pour tout le monde de dévoiler ici l’imposture, de faire appercevoir, & pour ainsi dire toucher au doigt, les moyens employés par les fourbes à baguette pour la faire mouvoir, & réfuter les différentes explications que l’on a données de son opération. Découvrir l’erreur, arrêter ses progrès, démasquer un charlatan dangereux, & dessiller les yeux de ses admirateurs, peut être un service aussi essentiel que la découverte d’une vérité.

Il y a trois manières principales de tenir la baguette, & toutes trois très-susceptibles de se prêter aux différens mouvemens qu’on veut lui faire subir : la première, & la plus commune, est de prendre une branche fourchue de coudrier, d’un pied & demi de long, de la grosseur du doigt, & qui n’ait pas plus d’un an, s’il est possible. On tient les deux branches dans ses deux mains, sans beaucoup serrer, de manière que le dessus de la main soit tourné vers la terre ; la tige commune est en devant, & parallèle à l’horizon ou un peu plus élevée. La seconde façon est