Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/127

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se tirer d’affaire, ils vous engagent à creuser de plus en plus, & malheureusement la première leçon ne suffit pas, & ce n’est qu’après avoir dépensé beaucoup d’argent qu’on ouvre les yeux & qu’on rougit de sa crédulité.

Par rapport aux pièces de métal cachées, il ne faut voir ici qu’un tour de joueur de gobelets, qui a l’air de deviner ce qu’il sait très-bien d’avance. De plus, rarement ces charlatans tiennent-ils contre l’expérience ; & les épreuves mêmes les plus simples, dirigées par un homme qui ne s’en laissera pas imposer, déroutent ordinairement leur impudence.

Quelque risible que soit cette supercherie, plusieurs savans admettant le fait de bonne-foi, & sans l’examiner, ont tenté de l’expliquer physiquement. Parmi les différens systêmes, il y en a de si ridicules, qu’il est inutile de les réfuter ici : nous nous contenterons de citer celui de M. Formey, comme le plus vraisemblable, & d’en faire sentir la fausseté, même en admettant la supposition que réellement la baguette tourne au-dessus d’une source d’eau, supposition bien gratuite ; c’est Rulandus & Libavius, accumulant volume sur volume en faveur de l’enfant de Weildorst en Silésie, à qui, les dents étant tombées, il en étoit venu une d’or. Un orfèvre de Breslaw répondit à toutes ces dissertations, en montrant que ce n’étoit qu’une feuille de cuivre doré.

C’est dans la comparaison avec l’aiguille aimantée, que M. Formey cherche l’explication des mouvemens de la baguette. Voici à peu-près ses idées, telles qu’elles sont exposées dans l’Encyclopédie au mot baguette divine. « La matière magnétique sortie du sein de la terre, s’élève, se réunit dans une extrémité de l’aiguille, où trouvant un accès facile, elle chasse l’air ou la matière du milieu ; la matière chassée revient sur l’extrémité de l’aiguille & la fait pencher, lui donnant la direction de la matière magnétique. De même à peu-près, les particules aqueuses, les vapeurs qui s’exhalent de la terre & qui s’élèvent, trouvant un accès facile dans la tige de la branche fourchue, s’y réunissent, l’appésantissent, chassent l’air ou la matière du milieu. La matière chassée revient sur la tige appésantie, lui donne la direction des vapeurs, & la fait pencher vers la terre, pour vous avertir qu’il y a sous vos pieds une source d’eau vive ».

« Cet effet, continue M. Formey, vient peut-être de la même cause qui fait pencher en bas les branches des arbres plantés le long des eaux. L’eau leur envoie des parties aqueuses qui chassent l’air, pénètrent les branches, les chargent, les affaissent, joignent leur excès de pesanteur au poids de l’air supérieur, & les rendent enfin autant qu’il se peut, parallèles aux petites colonnes de vapeurs qui s’élèvent. Ces mêmes vapeurs pénètrent la baguette & la font pencher. »

Tel est le sentiment de M. Formey. L’Encyclopédie ajoute : tout cela est purement conjectural. Et nous, nous ne craignons pas de dire : cette explication est fausse, & l’effet que l’on attribue ici aux vapeurs amendantes est impossible, & en voici les raisons. 1o. Rien ne peut déterminer les vapeurs légères qui nagent dans l’atmosphère, à entrer en assez grande quantité dans la tige de la baguette, pour la rendre plus pe-