Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/136

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Dans quelques provinces, & non dans toutes, si le fermier est privé de sa récolte par les grêles, les gelées, les inondations, &c. il est en droit de demander qu’il lui soit fait une diminution sur le prix de son bail, à moins que, par une clause particulière de la convention, il n’ait déclaré prendre, à ses périls & risques, ces sortes d’événemens, sans diminution du prix du bail. La seconde manière pour ne pas être dans le cas de donner des dédommagemens au fermier, est, après avoir fixé le prix de la ferme, par exemple, à 3 000 liv. de le réduire à 1 700 livres ; les 300 livres servent de dédommagement au fermier, & il ne peut en répéter aucun autre, à moins d’une détérioration très-considérable du sol.

Est-il avantageux aux propriétaires & aux fermiers de contracter des baux à termes courts ou longs ? La réponse est simple. Les baux les plus longs sont les plus avantageux, si les contractans sont d’honnêtes gens ; si l’un des deux est un fripon, le plus court est le meilleur.

Le propriétaire cherche à affermer au plus haut prix, & le fermier au plus bas, c’est dans l’ordre ; mais lorsqu’une ferme est à sa juste valeur, le propriétaire qui veut l’augmenter trompe le fermier, & le trompe lui-même. Le propriétaire doit se dire : plus je retirerai de mon domaine, moins le fermier, par une conséquence naturelle, sera en état de me payer ; à chaque époque du paiement, je serai contraint de le harceler & de le constituer en frais de justice, par assignations, commandemens, saisies, &c. mais plus je multiplierai ces frais, plus je le mettrai hors d’état de payer sa dette ; c’est donc moi, propriétaire, qui serai la première victime : je savois la juste valeur de ce que j’affermois, & le fermier n’avoit que des apperçus sur ce qu’il prenoit ; la loi n’étoit pas égale, je l’ai trompé, & en revanche je perds mon revenu.

Si j’afferme au-dessus de sa valeur, il est clair que je suis un mal-honnête homme ; si j’afferme à sa valeur exacte, c’est-à-dire, sur le pied du produit d’une année ni bonne, ni mauvaise, il y a peu de délicatesse dans mon procédé, & ce procédé avide est encore à mon désavantage, parce qu’il est impossible que mon fermier améliore ma terre ; & toute terre qui n’est point améliorée se dégrade insensiblement : il y aura donc de toute nécessité une diminution dans le prix du bail qui suivra ; je gagnerai (peut-être) dans celui-ci, pour perdre dans le suivant ; ma combinaison est donc mauvaise.

Si, au contraire, je fais entrer en ligne de compte le défaut de récoltes, le bénéfice honnête que le fermier doit faire, il sera le premier à augmenter le prix du nouveau bail, parce qu’il aura des avances, & dès-lors il ne craindra pas d’entreprendre des améliorations.

Le propriétaire qui raisonne doit se dire : jetons un coup d’œil sur les fermes de mon voisinage, & voyons celles qui sont les mieux entretenues. À coup sûr ce sont celles où les fermiers y sont établis de père en fils. Ils regardent