Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/139

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le langage de tous les fermiers ; il est dans l’ordre, puisque les proportions ne sont pas égales.

Si vous voulez que le fermier travaille en bon père de famille, mettez-le dans le cas de regarder votre possession comme son bien propre. Plus il sera convaincu de cette idée, plus vous y gagnerez. Il défrichera les terrains incultes, desséchera les marais les plus aquatiques, il multipliera les vignes, les arbres, boisera votre terre, dans l’assurance de jouir paisiblement, & d’avoir le tems de cueillir le fruit sur l’arbre qu’il aura planté.

Il ne faut pas légérement passer des baux à longs termes ; ils supposent la connoissance la plus intime sur la probité du fermier, sur son intelligence & sur son activité. Voici quelques caractères auxquels vous reconnoîtrez ses qualités.

Après avoir pris les plus grands renseignemens auprès du maître qu’il doit quitter, transportez-vous sur les lieux mêmes, parcourez les villages voisins, interrogez les uns & les autres sur le compte de cet homme ; prenez des informations, surtout dans les cabarets ; s’il y est inconnu, c’est un bon signe, la voix générale le jugera. Tâchez de découvrir quelques-uns des valets qu’il aura congédiés ; soyez en garde sur ce qu’ils diront, à cause de la rancune, mais comparez leur dire avec celui des autres, & vous saurez décidément ce qu’il vaut. Les informations ne font tort qu’aux fripons, & elles manifestent la bonne conduite de l’homme de bien.

Après avoir parcouru les villages, venez chez ce fermier, au moment qu’il vous attendra le moins ; examinez, en entrant chez lui, s’il y règne un air de propreté & d’aisance, un air d’ordre ; dans ce cas, il doit mettre beaucoup d’ordre dans ses travaux. Parcourez successivement avec lui ses écuries, ses greniers, ses celliers ; voyez & jugez tout par vous-même. Tous les lieux par où vous passerez attesteront sa négligence ou ses soins. Que ce coup-d’œil est instructif pour ceux qui savent voir !

Du corps de la ferme allez aux champs, voyez comme ils sont cultivés, si les ravines sont comblées, les fossés entretenus, les arbres soignés, les outils quelconques en bon état. Si tout est conforme à votre attente, ce fermier est l’homme qui convient, & il ne reste plus qu’un article à examiner, c’est celui des avances.

Cet article est essentiel. La meilleure volonté de l’homme le plus rangé, le plus actif, le plus vigilant, ne sauroit les suppléer. On ne fait rien avec rien, & on estime que pour une ferme de cinq cens arpens (voyez ce mot) de terres labourables, les avances du fermier doivent être de 16 à 17 000 livres, sans compter ce qu’il doit dépenser avant de toucher un grain de la première récolte, & ces dépenses montent à plus de 2 000 livres.

Si l’homme sur lequel vous avez jeté la vue n’a qu’une partie des avances nécessaires, & si vous le croyez en état de remplir toutes vos intentions, ne balancez pas à faire des sacrifices, aidez-le de