Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/145

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leur âge, &c. & par statuts réels, ceux qui disposent des choses, mobiliaires ou immobiliaires, qui astreignent les actes à certaines formalités, &c. Les statuts personnels gouvernent l’homme en quelque lieu qu’il soit ; l’empire des statuts réels n’est que territorial.

Au moyen de ces notions préliminaires d’un esprit juste, & de l’envie de mettre cette dernière qualité en usage, s’il examine scrupuleusement, & le fond de l’affaire soumise à sa décision, & les circonstances qui le déguisent, qui paroissent le changer, & finalement le changent quelquefois, il lui arrivera rarement de se tromper.

Qu’il ait l’attention de faire rédiger le vu de sa sentence d’une manière exacte, qu’il y mentionne avec soin les pièces qui lui ont été présentées, qu’il y rappelle même les points essentiels ou les clauses qui fondent la contestation ; cette attention peut être de la plus grande utilité. Les praticiens subalternes, par négligence, leurs parties, par ignorance, laissent souvent s’égarer des titres précieux dont il est trop heureux que l’existence & le précis soient constatés par un jugement.

Pour ce qui regarde le prononcé, la clarté doit en être le principal caractère. Nous conseillerions volontiers au juge d’en motiver les dispositions ; par-là il donneroit toujours aux magistrats supérieurs une preuve au moins de candeur, quand par hazard ce ne seroit pas de doctrine.

On ne peut trop appuyer sur les efforts que doivent faire les premiers juges pour mériter que leurs sentences soient confirmées. Le succès d’un appel interjetté par un paysan, est dans son village comme une étincelle qui tombe sur des matières combustibles ; il enflamme toutes les têtes ; il met dans les cœurs l’idée que le juge est, ou ignorant, ou partial, & cette idée devient la source d’une multitude de procès d’où dérivent des maux infinis : l’abandon de la culture, la dépravation des villes rapportée dans les campagnes, le goût de la chicane, & définitivement la ruine totale des familles.

Il seroit bien à desirer que quand un villageois en ajourne un autre, le juge prît la peine de les faire venir extrajudiciairement pardevant lui, & que là il tentât de réunir les deux adversaires en leur mettant sous les yeux le peu de valeur de l’objet qui les divise, le peu d’importance des motifs de leur différent, en comparaison de la perte du tems, des avances d’argent, des démarches, des supplications, des angoisses auxquelles ils vont se dévouer. Il est à présumer que si au lieu d’un huissier, dont le rôle est de souffler le feu, les plaideurs rustiques avoient le bonheur de rencontrer un homme grave qui, par des réflexions prudentes, & de sages conseils, tempérât les bouillons de colère, les accès d’humeur qui presque toujours déterminent la première assignation, il y auroit peu ou point de contestations dans les campagnes.

Le malheur est que presque toujours les baillis ou juges des seigneurs sont domiciliés loin des hameaux, dans l’enceinte des villes les