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branches destinées à avoir grande portée, à se plier en berceau ; ici l’art doit vaincre la nature. M. le Blond, dans son ouvrage intitulé, Pratique des Jardins, donne quelques moyens ; mais on ne trouve nulle part autant de détails que dans le Journal économique du mois de Juin de l’année 1761.

Les allées en berceau sont, sans contredit, les plus belles de toutes, quand elles sont formées de grands arbres, telle qu’étoit au printems de l’année 1781, la grande allée du Palais Royal à Paris ; allée unique dans son genre. Pour disposer les branches des arbres à se courber les unes vers les autres, il faut beaucoup d’art, & se donner des soins infinis. La première attention consiste à ménager les branches qui sont les plus propres à former l’arcade, & on coupe toutes celles du côté opposé ; en sorte que l’on élague l’arbre perpendiculairement comme on fait pour une palissade, mais en dehors seulement, tandis qu’en dedans de l’allée, on taille seulement les branches en ceintre pour opérer avec méthode. Il ne faut jamais compter sur les branches latérales pour former cette arcade ; car ces branches sont sujettes à se dessécher, & elles laisseroient alors un vide difficile à remplir dans la suite. Il faut donc gêner les principales branches de l’arbre, & obliger du moins les plus droites, & celles qui forment pour ainsi dire son corps, à se pencher par une courbure insensible : c’est à quoi l’on parviendra facilement, en attachant ces branches avec une corde ou avec un jet de vigne sauvage, qui attire ces grosses & maîtresses branches les unes vers les autres, en attachant ces espèces de cordes aux branches des arbres opposés. Pour cet effet, il faut parvenir, d’une manière ou d’une autre, jusqu’à l’extrémité de la branche principale qu’on veut courber, y attacher ce sarment avec un bout de corde, & avoir soin de garnir l’endroit de la ligature avec de la mousse, afin de ne pas occasionner un bourrelet ; ensuite prenant le sommet de la branche voisine, on les incline légérement l’une vers l’autre ; ce qui les détermine chacune à décrire une portion d’arc. Comme ces branches sont plus menues vers leur extrémité, que vers le bas, elles font l’effet du ressort, dont une partie est plus grosse que l’autre, & décrivent à peu près une portion d’ellipse, qu’il est facile de réduire en demi-cercle ou en plein ceintre, au moyen des petites branches qui poussent à droite ou à gauche des branches principales qu’on taille avec le croissant.

En observant la forme du plein ceintre, on coupe, comme je l’ai dit, du côté opposé, toutes les branches qui voudroient excéder l’aplomb d’une palissade, de manière que toute la séve se porte dans les maîtresses branches, & en dedans du berceau.

Les côtés de cette allée se fortifieront & se garniront à merveille, au moyen de ce qu’on les taille en forme de palissades ; mais il faut observer dans les intervalles de chaque arbre, une petite courbe surbaissée, qui fait des uns & des autres une espèce de portique pour entrer sous le berceau.