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Tout l’inconvénient qui se rencontre dans ce cas, c’est que les branches que l’on veut faire plier les unes par les autres, n’étant pas d’une égale force & d’une égale grosseur, les plus petites, & par conséquent les plus foibles, seront obligées de céder aux plus grosses, & plieront trop, tandis que celles-ci, qui sont plus roides, ne plieront pas, ou ne formeront pas le ceintre. Or, cette difformité, surtout dans le commencement, feroit un très-mauvais effet.

Pour remédier dès l’origine à un défaut si considérable, il sera bon de fortifier la branche la plus foible, par le moyen d’une grande perche que l’on attachera par derrière, & qui viendra prendre jusque dans l’enfourchement de l’arbre. On fait alors plier la branche & la perche en même tems, & l’une soutient l’autre ; de manière que, proportionnant la grosseur de la perche suivant le plus ou moins de foiblesse de la branche, il arrive qu’elle prend une courbure toute semblable à celle de la branche plus forte qui lui est opposée.

Lorsqu’on a su, dès le commencement, disposer l’arbre à avoir trois maîtresses branches qui forment le trident, & qui se présentent en face, alors on peut être assuré que l’arcade deviendra parfaite, & se garnira également dans toutes ses parties : mais s’il falloit tout de suite, en plantant une allée d’arbres déjà gros, leur faire former le berceau, on observeroit de faire choix seulement de ceux qui font les fourches triples, & on élagueroit les moyennes branches qui ne sont pas nécessaires.

Il ne faut jamais faire un berceau trop écrasé ; ses proportions doivent suivre les règles de la bonne architecture, avoir en hauteur le double de leur largeur. Ainsi une allée qui auroit, par exemple, trente pieds de largeur, devroit en avoir soixante de hauteur dans le milieu de son arcade ; pour cela, il faut d’abord élever les arbres à une hauteur de tige raisonnable, comme de quinze à vingt pieds, avant de leur faire former leur courbure & leur enfourchement. Lorsqu’une fois les soins des premières années ont donné aux branches une pareille inclinaison, elles continuent d’elles-mêmes à se la former. Lorsqu’on aura bien attention de tailler en palissade perpendiculaire les deux côtés extérieurs des arbres latéraux, la séve se portant toute en dedans de l’allée, chargera ces maîtresses branches d’une pesanteur de feuilles & de petites branches, qui leur feront bientôt contracter le pli qu’on desire.

Le seul danger à craindre de ces arbres ainsi penchés les uns contre les autres, est que toutes les branches faisant pesanteur d’un seul côté, ils ne soient arrachés par les efforts des grands vents, sur-tout quand ils sont chargés de leurs feuilles. Pour prévenir cet accident, qui seroit fort grand pour une allée déjà formée, & qui auroit coûté beaucoup de soins à élever, il faut tâcher de les étayer avec une longue perche que l’on met en dedans, & qui atteint d’une grosse branche courbe, à une autre semblable de l’arbre opposé ; de manière qu’en poussant debout, elle retienne l’effort