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besoin de l’herbe de ces quatre-vingts arpens pour être nourries dans leur cabane, & qu’on pourra faire venir du foin sur une partie considérable de ce terrain, même en supposant qu’on n’ait pas pensé à y faire la plus légère amélioration. Cet avantage seul dédommagera avec usure de ce que coûteront deux valets qu’il faudroit y entretenir pendant l’été pour y soigner le bétail.

Cet entretien en vert pendant l’été, est un objet si important pour le grand propriétaire, comme pour le simple paysan, qu’il mérite d’être discuté plus amplement. Cette méthode n’est bien connue & pratiquée avec les attentions nécessaires, qu’en peu d’endroits ; & tous ceux qui la suivent conviennent que l’on peut entretenir quatre bêtes de l’herbe d’un terrain maigre, tandis que la même étendue de sol dans un fonds fertile, suffiroit à peine à la pâture de trois. Pour qu’il ne reste aucun doute sur cet article, c’est à-dire, sur la préférence que mérite la méthode de nourrir en vert ses bêtes à l’étable sur toute autre, il faut voir quelle est la différence, quant au poids, entre le fourrage vert & le fourrage sec, & combien il en faut de l’un & de l’autre pour la nourriture d’une bête.

1o. Un quintal de trèfle vert fauché dans le tems qu’il commence à fleurir, se réduit à vingt livres quand il est parfaitement sec. Cette plante est une des plus succulentes, & qui par conséquent perd le plus de son poids en se séchant.

2o. Il est prouvé qu’une vache à lait ordinaire nourrie à l’étable, mange chaque jour du printems, de l’été & de l’automne, l’un dans l’autre, cent cinquante livres de trèfle vert.

3o. Qu’en hiver, vingt-cinq livres de trèfle sec suffiront à la même vache.

Il semble donc, suivant ce calcul, qu’il faut cinq fois plus de fourrage vert ; mais il faut faire attention qu’une bête a besoin au moins d’un cinquième de nourriture de plus dans les longs jours de l’été, qu’en hiver, sans doute à cause que la transpiration est plus forte. Par conséquent, cette perte apparente dans la consommation du fourrage vert, est non-seulement compensée, mais encore il y a le bénéfice d’un trentième.

On doit ajouter à tous ces avantages, qu’en faisant consommer à l’étable un fourrage vert, on ne court aucun risque d’avoir pour l’hiver un foin insipide ou gâté, puisqu’on a eu le tems & la commodité de le faucher & de le cueillir dans les jours les plus favorables ; que le fumier d’été a plus de force que celui d’hiver ; qu’il peut être employé en automne, & qu’il est exempt de cette multitude de graines de mauvaises herbes, qui pullulent dans les champs chargés des engrais ordinaires. Enfin, il est bien démontré que l’herbe fraîche a plus de propriétés que n’en a le foin sec ; & encore moins le regain. L’odeur forte qui s’exhale dans la fenaison, prouve combien de principes s’évaporent avec l’eau de végétation pendant la dessiccation du fourrage. Il résulte de cette méthode, que les bêtes destinées à la boucherie s’engraissent plutôt ; que les vaches