Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/284

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deçà, qui remplit le premier sillon ; ensuite en ouvrant un troisième de l’autre côté du premier, la terre de ce troisième est renversée sur ce premier ; c’est ainsi qu’il forme le double ados du billon. Pour continuer à billonner le champ, il faut tourner du troisième billon au second, revenir vers le troisième, de là près du quatrième, & ainsi successivement ; de cette manière le billon se trouve formé & bordé de deux sillons. Telle est ainsi cultivée cette plaine superbe & fertile dont la Loire arrose les bords depuis Blois jusqu’à Tours, & qui est garantie de ses inondations par une levée bien construite & bien entretenue. Je ne vois aucun avantage réel dans cette culture ; il me paroît, au contraire, qu’il y a beaucoup de terrain inutilement cultivé, & qu’il y a presqu’autant de plein que de vide. Je conviens que par cette méthode on égoutte les eaux jusqu’à un certain point ; mais l’eau qui reste dans les deux sillons latéraux du billon, fait pourrir le grain qui y a été jeté en semant ; & si l’extrémité de ces sillons n’a pas un dégorgement, l’eau s’y accumule, & gagne presque jusqu’à la moitié de hauteur du billon ; de sorte qu’effectivement, il n’y a pas la moitié du terrain vraiment à l’abri de l’eau & couvert de blé. C’est ce que j’ai observé très-attentivement en traversant la plaine dont je viens de parler. Je crois qu’en labourant par planches de dix pieds de largeur, & formant bien l’ados de l’un & de l’autre côté, il y auroit moins de terrain perdu, & par conséquent plus de grains conservés. Il est presque moralement impossible qu’une plaine quelconque n’ait pas un écoulement naturel aux eaux sur l’un ou sur plusieurs de ses côtés ; alors par le secours des saignées, ménagées sur la direction de la pente, l’eau s’écoulera, ne pourrira plus les blés, & les billons deviendront inutiles ; que si, au contraire, la plaine n’a aucune pente pour l’écoulement, c’est aux propriétaires de cette plaine à s’accorder entre eux, & à creuser un fossé assez profond pour recevoir, par des fosses particulières, la masse des eaux ; & en continuant le grand fossé, la porter au-delà, & en débarrasser tous les champs. Cette opération me paroît praticable, même pour les plus bas. C’est ainsi qu’on a desséché une grande partie des étangs de la Bresse. C’est ainsi que les romains ont desséché l’étang de Montadi près de Béziers ; qu’ils ont percé une montagne pour donner de l’écoulement. Depuis eux jusqu’à ce jour, cette plaine, ou plutôt ce très-bas fond, produit chaque année les récoltes les plus abondantes en froment. Mais revenons aux autres manières de former les billons, que l’on suit plus par habitude locale, que par nécessité ; car j’ai vu billonner des terres qui ne craignoient pas la submersion des grains.

Quelques-uns labourent toute la terre à plat avec la charrue à versoir ; (voyez ce mot) & lorsque le champ est ensemencé & hersé, ils font, de distance en distance, des raies qui forment les planches. Voilà encore du grain & du travail perdus. Ceux qui donnent à prix fait la culture suivant cette méthode, sont souvent trompés, s’ils