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& donner ensuite autant de fruit que les autres. Il est constant que si les feuilles, la tige & le terrain avoient été humides, ils seroient péris.

La saison décide dans le nord l’époque où il faut commencer à butter ; c’est à peu près dans le courant de Novembre. Si la saison y devient pluvieuse & douce après les premiers froids, il est à craindre que les pieds ne moisissent, ne pourrissent. Ne vaudroit-il pas mieux, au lieu de terre, employer la balle du blé, (gluma) que dans quelques pays on nomme bourrier ? l’eau ne la pénètre point lorsqu’elle est à une certaine épaisseur ; la partie supérieure seule est humectée ; elle forme une croûte ; cette croûte garantit la partie inférieure, la terre & le pied de la plante. Si on a le choix du tems, il convient de préférer le moment où la terre est la moins humectée.

Quelques particuliers conseillent de travailler l’artichaudière, les uns en Septembre, les autres en Octobre ou au commencement de Novembre. Cette opération est aussi nuisible qu’inutile : je parle pour les terrains humides. Il vaudroit mieux piétiner le terrain, durcir sa surface, ouvrir une rigole dans le milieu du terrain vide entre les rangées d’artichauts, afin de faciliter l’écoulement des eaux. La balle du blé, mise autour de chaque pied, formera autant de monticules qui repousseront l’eau dans la rigole, & garantiront la plante d’une humidité dangereuse.

Un jardinier prudent n’attendra pas que les fortes gelées commencent pour transporter auprès de l’artichaudière le fumier & telle autre matière destinée à couvrir entiérement la plante. Le cultivateur négligent fait tout à la hâte, tout à contre-tems ; par conséquent tout mal.

Avant de couvrir le pied, on doit rapprocher les feuilles les unes près des autres sans trop les resserrer ; un lien de paille suffit. Quelques-uns coupent ces feuilles à sept à huit pouces au dessus de terre, comme s’ils avoient peur que la plante eût trop de force pour résister aux rigueurs de l’hiver, ou pour avoir moins de peine, & moins de fumier ou de paille à transporter & à ranger. Les maraîchers de Paris prennent le fumier court qui sort des couches & qui n’est pas consommé ; ils s’en servent pour environner le pied, finissent par couvrir la plante avec de la paille de litière sèche, & augmentent cette couche de paille suivant l’intensité du froid. Il est heureux pour eux que cette espèce de paille soit très-abondante à Paris, ainsi que les fumiers. On n’a pas ailleurs la même ressource ; chacun se sert de ce qu’il trouve, roseaux, feuilles, joncs, &c. tout est employé.

Il est aisé de sentir que cette paille de litière laisse beaucoup de vides entre chaque brin, la pluie s’introduit ; & si les alternatives du froid & des pluies ont été longues, il n’est pas rare de voir à la fin d’un tel hiver, des carrés presqu’entiérement dévastés. La balle du blé pareroit à ces inconvéniens.

J’ai vu manœuvrer un jardinier d’après des principes plus réfléchis : il ne buttoit point, mais il environnoit les pieds d’artichaut dont les feuilles étoient liées, avec des