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briques & des carreaux. Le côté du midi étoit plus élevé ; un large carreau servoit de porte, & la partie supérieure étoit recouverte par de longues tuiles. Dès que le tems étoit doux, il ouvroit la porte de sa maisonnette, la plante recevoit les rayons du soleil ; s’il pleuvoit, s’il faisoit froid, la porte étoit refermée, & la maisonnette recouverte de paille, disposée comme celle d’un paillasson, ou recouverte de fumier & de son paillasson. C’est par ce procédé, qu’on traitera de minutieux, qu’en 1776 il ne perdit pas un seul pied d’artichaut, malgré le froid excessif de cette année : il fut de seize à dix-sept degrés.

Autant que la saison le permettra, on découvrira plus ou moins le sommet des artichauts, afin de leur donner de l’air, de les empêcher de blanchir, & sur-tout pour laisser une libre sortie à l’humidité.

Les soins exigés par cette plante délicate & si ennemie de l’humidité surabondante, prouvent bien qu’elle n’est pas indigène à la France, même dans ses provinces méridionales, & que son existence est due entiérement à l’art. Dès-lors je ne vois pas pourquoi quelques auteurs ont parlé de l’artichaut sauvage. Ils auront surement pris quelques carduus, quelques onopordons qui croissent dans nos champs, pour le type de l’artichaut des jardins ; d’autres ont confondu l’artichaut avec la plante vulgairement nommée cardon d’Espagne, dont nous parlerons au mot Cardon ; & s’il croît naturellement en Italie & en Sicile, c’est surement dans des expositions où il ne craint pas les effets de la gelée.

Telle est la manière de conduire les artichauts pendant tous les tems de l’année, soit dans le midi, soit dans le nord du royaume ; c’est à présent aux particuliers à en faire l’application au pays qu’ils habitent, en proportion de la distance où il se trouve de l’un ou de l’autre. Voyons actuellement quels sont les insectes qui nuisent à sa végétation.

Le mulot est le plus dangereux ennemi pendant l’hiver. On dit, & je n’ai pas essayé, qu’il abandonne l’artichaut pour se jeter sur les bettes blondes qu’on a plantées exprès autour du carré pour les y attirer. Je crois que le meilleur moyen est de leur tendre des pièges.

Le puceron recoquille les sommités des jeunes feuilles, & on les voit par milliers au dessous du fruit, collés sur la tige ; ils s’attaquent même quelquefois au fruit. Des auteurs ont conseillé gravement, pour les détruire, d’arroser toute la plante avec de l’eau savonneuse ; ce conseil est absurde : d’autres avec de l’eau chargée de suie ; ce moyen est un peu plus sûr, quoiqu’il m’ait produit peu d’effet. Arrosez souvent la plante, dit un troisième, & ce troisième raisonne mieux que les deux premiers, sans cependant offrir un moyen assuré. Je ne vois pas, au surplus, le grand tort que ces pucerons font aux fruits ; je sais qu’avec leur petite trompe ils sucent la séve ; mais cette succion est si peu considérable, que je n’ai jamais vu aucun fruit moins gros qu’il ne devoit l’être. Ils sont désagréables à la vue, & voilà tout.