Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/373

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est très-douteux que ces substances argileuses puissent se dissoudre dans les premières voies. Les acides minéraux & végétaux n’ont aucune action sur elles, à plus forte raison les acides de l’estomac les plus foibles de tous. Il est donc à craindre que restant intactes dans les organes de la digestion, elles ne fassent que fatiguer l’estomac, sans passer avec les alimens dans la masse générale. S’il s’en dissout une portion, ce ne peut être que de la terre calcaire qui s’est trouvée mêlée avec la terre argileuse qui forme les bols ; dans ce cas, pour adoucir les acides & absorber les aigreurs, il vaudroit mieux employer les terres absorbantes, comme les yeux d’écrevisse, la craie préparée, &c. &c, La terre ferrugineuse qui forme une partie de la terre bolaire, peut produire un bon effet, si l’opération de la digestion vient à bout de l’extraire & de la séparer de l’argile ; mais ne vaudroit-il pas beaucoup mieux employer tout simplement des préparations martiales, dont on connoîtroit les proportions, & la manière d’agir des substances qui les composent ? Dans aucun cas l’usage des bols n’est préférable, & il s’en trouve souvent où leur emploi peut être dangereux ; il seroit donc avantageux de les abandonner entiérement.

Il est intéressant au naturaliste-cultivateur de pouvoir reconnoître toutes les terres qui se rencontrent au tour de lui & sous ses pieds, de les comparer avec celles qui sont décrites & dont on retire quelqu’avantage ; c’est ce qui nous détermine à dire un mot des bols les plus connus.

On les distingue communément par leur couleur.

1o. Le bol rouge, ou d’Arménie. Il a été très-vanté autrefois ; mais il devient rare & cher, parce que l’on n’en apporte presque plus du Levant. Les médecins s’en servoient comme astringent & alexipharmaque. Les doreurs l’emploient encore pour faire l’assiette de l’or de leur dorure ; & les relieurs, après l’avoir porphyrisé avec un peu de blanc d’œuf mêlé d’eau, s’en servent pour dorer la tranche des livres. Du côté de Saumur & de Blois en France, on trouve du bol rouge, mais il est plus communément d’un rouge pâle, ou couleur de chair, comme la terre sigillée, ou le bol de Lemnos. Cette terre bolaire a été très-fameuse, même dans la plus haute antiquité, puisqu’Homère & Hérodote en parlent. On voit dans ces auteurs que ce n’étoit qu’avec de très-grandes cérémonies, & l’appareil imposant de la religion, qu’on la tiroit de terre. On nous rapporte encore beaucoup de terre de Lemnos, sous la forme de pastilles convexes d’un côté & plates de l’autre. Sur le côté aplati est l’impression du cachet que chaque souverain des lieux où on trouve ces bols y fait apposer ; de-là leur vient le nom de terre sigillée.

2o. Le bol blanc qui paroît n’être qu’une argile blanche, très-pure & très-douce au toucher, vient de Gran en Hongrie, & de Coltberg sur le territoire de Liège. Il a dans ces pays la réputation d’être d’une efficacité singulière dans la dyssenterie.

3o. Le bol gris est assez commun dans le Mogol en Asie ; ce bol tirant