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région moyenne de l’atmosphère, où ils forment une espèce de zone moins opaque, à la vérité, que les brouillards ordinaires, mais qui ne laisse pas d’y répandre une obscurité sensible. S’ils n’interceptent pas totalement les rayons du soleil, ils en affoiblissent tellement l’éclat, que l’on peut alors regarder fixement son disque. Telle est la cause naturelle de ce phénomène singulier, qui, aux yeux de l’ignorance timide & superstitieuse, passe pour un prodige effrayant, & qui annonce les plus grands malheurs. Si ce phénomène a lieu plusieurs jours de suite, les brouillards qui l’ont produit auront séjourné ce même espace de tems dans l’atmosphère, & l’auront vicié. Il n’est donc pas étonnant, après cela, qu’il se répande des maladies épidémiques, qu’il ne faut attribuer qu’à la présence des brouillards, & non à l’obscurcissement du soleil.

Les brouillards ont deux mouvemens généraux ; celui par lequel ils se condensent & retombent en bruine ou en pluie, & celui par lequel ils se raréfient, s’élèvent de plus en plus, & deviennent de vrais nuages. Ces vapeurs suspendues au-dessus de la terre, à une hauteur médiocre, quoique souvent tranquilles à leur partie inférieure, sont susceptibles d’un mouvement d’ondulation, semblable à celui de la mer, à leur partie supérieure. Quand on est sur une montagne assez haute, que l’on domine une plaine couverte de brouillards, on croit voir sous ses pieds une mer agitée, dont les flots roulent les uns sur les autres. Insensiblement on les voit se dissiper ; soit lorsque ces molécules aqueuses, acquérant une pesanteur plus considérable que celle de l’air dans lequel elles nagent, forment des gouttes plus grosses, & retombent sur la terre par leur propre poids ; soit que le principe de la chaleur qui les a élevées & divisées, augmentant encore par l’ardeur du soleil, elles reçoivent un mouvement plus fort qui les porte vers la région supérieure de l’air, où elles se condensent & prennent la forme de nuages ; à moins qu’elles ne soient entièrement dissipées par une raréfaction extrême & prompte.

Si les brouillards n’étoient exactement que de l’eau raréfiée, nous ne nous appercevrions de leur présence, que par l’humidité qu’ils entretiennent, & par l’obscurité qu’ils répandent ; mais très-souvent ils sont accompagnés d’une odeur infecte, d’une âcreté qu’on ressent à la gorge & aux yeux. Cette odeur & cette âcreté sont dues aux exhalaisons terrestres que ces vapeurs entraînent avec elles ; cette espèce de brouillard est en général très-mal saine.

Comme la production des brouillards ne dépend absolument que de l’abondance des vapeurs & du froid de l’atmosphère, ils obscurciront l’air, soit que le baromètre se trouve haut ou bas. Quand la colonne de mercure est basse & annonce la pluie, il n’est pas étonnant que l’on voie des brouillards qui sont une espèce de pluie ; mais lorsqu’elle se tient haute, on pourra avoir des brouillards, 1o. si le tems a été long-tems calme & chaud, & qu’il se soit élevé beaucoup de vapeurs qui aient rempli l’air ; le moindre froid,