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Mecque, & par les pélerins dans tous les pays mahométans.

Dans ces contrées, où les mœurs ne sont pas aussi libres que parmi nous, on imagina d’établir des maisons publiques, où se distribuoit le café. Celles de Perse devinrent bientôt des lieux infâmes ; & lorsque la cour eut fait cesser ces dissolutions révoltantes, ces maisons devinrent un asyle honnête pour des gens oisifs, & un lieu de délassement pour les hommes occupés. Les politiques s’y entretenoient de nouvelles ; les poëtes y récitoient leurs vers, & les mollachs leurs sermons.

Les choses ne se passèrent pas si paisiblement à Constantinople. On n’y eut pas plutôt ouvert les cafés qu’ils furent fréquentés avec fureur. D’après les représentations du grand muphti, le gouvernement fit fermer ces lieux publics ; & l’usage de cette liqueur fut interdit dans l’intérieur des familles. Un penchant décidé triompha de toutes ces sévérités ; on continua de boire du café, & même les lieux où il se distribuoit se trouvèrent bientôt en plus grand nombre qu’auparavant.

Au milieu du dernier siècle, le grand visir Koproli se transporta déguisé dans les principaux cafés de Constantinople ; il y trouva une foule de gens mécontens, qui, persuadés que les affaires du gouvernement sont en effet celles de chaque particulier, s’en entretenoient avec chaleur, & censuroient avec une hardiesse extrême la conduite des généraux & des ministres. Il passa de-là dans les tavernes où l’on vendoit du vin ; elles étoient remplies de gens simples, la plupart soldats, qui, accoutumés à regarder les intérêts de l’État comme ceux du prince qu’ils adorent en silence, chantoient gaiement, parloient de leurs amours, de leurs exploits guerriers. Ces dernières sociétés, qui n’entraînent point d’inconvéniens, lui parurent devoir être tolérées ; mais il jugea les premières dangereuses dans un état despotique ; il les supprima, & personne n’a entrepris depuis de les rétablir.

Dans le tems précisément qu’on fermoit les cafés à Constantinople, on en ouvrit à Londres. Cette nouveauté y fut introduite en 1652, par un marchand nommé Edouard, qui revenoit du Levant. Elle se trouva du goût des anglois ; & toutes les nations de l’Europe l’ont depuis adoptée.

M. Aublet, à qui nous sommes redevables de l’Histoire des plantes de la Guyane françoise, en 4 volumes in-4o. n’est pas d’accord sur ce dernier point avec M. l’abbé Raynal. Il dit : on a des preuves que durant le règne de Louis XIII, on vendoit, sous le petit châtelet de Paris, de la décoction de café sous le nom de cahové, ou cahovet.

Il paroît, continue M. Aublet, que le premier pied de café qui a été cultivé au jardin du roi, y avoit été apporté par M. Ressons, officier d’artillerie ; mais ce pied ayant péri, M. Paneras, bourgmestre d’Amsterdam, envoya en 1714, un pied de café à Louis XIV, & il fut soigné au jardin royal des plantes de Paris. Son histoire est intéressante, parce qu’il a été le père des premières plantations de café dans nos îles d’Amérique.