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moka, qui furent remis à M. des Forges-Boucher, lieutenant de roi de cette île. Il paroît qu’il n’en ressort en 1720 qu’un seul pied, dont le produit fut tel cette année-là, que l’on mit en terre pour le moins 15 000 fèves de café. On lit dans le volume de l’académie des sciences de Paris, année 1715, le fait suivant. Les habitans de l’île de Bourbon, ayant vu par un navire françois, qui revenoit de moka, des branches de cafier ordinaire, chargées de feuilles & de fruits, ils reconnurent aussi-tôt qu’ils avoient dans leurs montagnes des arbres tout pareils, & allèrent en chercher des branches, dont la comparaison fut exacte ; seulement le café de l’île de Bourbon fut trouvé plus long, plus menu & plus vert que celui d’Arabie. Et voilà comme, par le défaut de lumières, on va chercher bien loin & à grands frais ce qui nous environne & que nous foulons souvent aux pieds.

Il seroit à desirer que ceux qui nous ont précédé eussent conservé les noms des personnes qui ont enrichi leur patrie de plantes utiles. Ces noms seroient plus chers à ceux qui savent apprécier les choses, que ceux des conquérans qui l’ont dévasée ou ruinée.


CHAPITRE II.

Description du Café par M. de Jussieu.

Cet arbre auquel on peut donner le nom de jasminum arabicum, lauri folio cujus semen apud nos café dicitur, (M. von Linné le nomme coffea arabica, & le classe dans la pentrandrie monogynie) donne des branches qui sortent d’espace en espace de toute la longueur de son tronc, toujours opposées deux à deux & rangées de manière qu’une paire croise l’autre. Elles sont simples, arrondies, noueuses par intervalle, couvertes aussi-bien que le tronc d’une écorce blanchâtre, très-fine, qui se gerce en se desséchant. Le bois est un peu dur, & douceâtre au goût. Les branches inférieures sont ordinairement simples, & s’étendent plus horizontalement que les supérieures qui terminent le tronc, lesquelles sont divisées en d’autres plus menues qui partent des aisselles des feuilles, & gardent le même ordre que celles du tronc. Les unes & les autres sont chargées en tout tems de feuilles entières sans dentelures ni crenelures dans leurs contours, aiguës par les deux bouts, opposées deux à deux, & elles ressemblent aux feuilles de laurier ordinaire, avec cette différence qu’elles sont moins sèches, moins épaisses, ordinairement plus larges, plus pointues par leur extrémité ; elles sont d’un vert gai, luisant en-dessus, vert pâle en-dessous.

De l’aisselle de la plupart des feuilles naissent des fleurs jusqu’au nombre de cinq, soutenues chacune par un péduncule court. Elles sont toutes blanches, d’une seule pièce ; à-peu-près du volume & de la figure de celles du jasmin d’Espagne, excepté que le tuyau est plus court, & que les découpures en sont plus étroites, & sont accompagnées de cinq étamines blanches, à sommets jaunâtres ; au lieu qu’il n’y en a que deux dans nos jasmins. Ces étamines débordent le tuyau de leur fleur, & entourent un stile