Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/607

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qu’elles sont mieux nourries que celles du centre. Aussi-tôt après le choix, la plante sera arrachée, la bonne graine exposée pendant quelques jours au soleil, & ensuite tenue dans un lieu fort sec.

On peut en semer tout de suite, pour avoir des racines bonnes à manger au printems suivant, lorsque celles qui avoient été semées au mois de Mars précédent seront épuisées.

Le ver du hanneton est l’ennemi le plus dangereux de la carotte ; il la cerne tout autour & cause sa ruine. La courtillière ou taupe-grillon, est moins dangereuse lorsque la racine a acquis une certaine consistance ; mais lorsqu’elle est encore mince, la fatale scie dont chacune des deux pattes de devant de cet animal est armée, la partage en deux.

II. De la carotte considérée relativement à l’agriculture économique. On doit au zèle de la société établie à Londres pour l’encouragement des arts, la culture en grand de cette plante, & elle fit publier en 1764 le mémoire de M. Robert Billing, fermier à Weasenham, dans la province de Norfolk. En 1766, M. Guerwer, pasteur de Vigneule, répéta en Suisse, & avec le plus grand succès, les expériences de M. Billing. Depuis cette époque, la carotte fournit une culture réglée en plusieurs endroits. Elle a l’avantage, ainsi que toutes les plantes dont la racine pivote, de ne point épuiser la superficie du terrain, & par conséquent de ne point nuire au blé, aux grains qui seront semés après avoir enlevé les carottes. C’est une vérité à laquelle on ne fait point assez attention, & qui cependant doit être la base de toute bonne agriculture. Lorsque la superficie d’un champ est épuisée par les racines des blés, il ne l’est pas dans la couche inférieure. Lorsque les trèfles ou les luzernes ont appauvri la couche inférieure, la supérieure ne l’est pas du tout ; ce qui provient de la différence de profondeur sur laquelle les racines travaillent. C’est par ce moyen simple, & par plusieurs autres semblables, qu’on peut chaque année obtenir une récolte sur le même champ. (Voyez le mot Alterner) Voici comment M. Billing s’explique dans son mémoire.

« Ce fut en 1763 que j’ensemençai de carottes trente arpens & demi. Tout ce terrain étoit partagé en trois portions : la première pièce de treize arpens, avoit porté en 1762, du froment ; la seconde, d’un demi arpent seulement, avoit porté du trèfle, & la troisième, de dix-sept arpens, avoit porté cette année des raves. Celle de treize arpens est une terre froide, tenace & mauvaise, qui repose sur une espèce d’argile ; la dernière pause est une terre mêlée, sur un fond de terre grasse & humide. Les dix-sept arpens peuvent être divisés en deux parties, l’une de quatorze & l’autre de trois. L’une & l’autre forment une terre légère & aride que j’avois tout fraîchement amendée avec la marne. La première est un excellent sol bien tempéré, & qui porte sur un fond de marne ; l’autre est un sable noir & stérile, qui porte sur un fond de molasse imparfaite.

» Je labourai mon champ de froment & de trèfle dès le commencement de Novembre ; car une chose dont je suis convaincu par toutes les observations que j’ai faites depuis que j’ai entrepris cette culture,