Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/658

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mêlées avec lui. Lorsque la masse totale sera refroidie, passez au crible serré, afin que la cendre se sépare, & il sera aisé ensuite d’enlever avec la main la partie charbonneuse qui se trouvera mêlée avec le sel. Portez le sel aussi-tôt dans un lieu sec, & enfermez-le dans des barriques dont un fond aura été enlevé. À chaque lit que vous y mettrez, faites piler, afin qu’il ne reste point de vide ; plus le sel alcali sera pressé, mieux il se conservera. Lorsque la barrique sera pleine, remettez son fond, & cerclez à la manière ordinaire. Ces précautions sont essentielles, parce que ce sel attire puissamment l’humidité de l’air. S’il a été bien fondu, il l’attirera beaucoup moins. Telle est la cendre gravelée qu’on vend dans le commerce.

Je dirois encore aux distillateurs en grand des eaux-de-vie : Pourquoi laissez-vous perdre les vinasses qui sortent des chaudières après que vous en avez retiré l’esprit ? pourquoi ne pas avoir de grandes fosses placées les unes à côté des autres pour les recevoir ? Comme on distille beaucoup de vins nouveaux, souvent troubles & épais, ils contiennent le tartre & la lie dont ils n’ont pas eu le tems de se dépouiller, & l’un & l’autre seroient déposés dans ces fosses. Lorsque le tems de la distillation sera passé, ou bien lorsque la chaleur & le courant d’air auront fait évaporer la partie fluide contenue dans ces fosses, c’est alors le cas d’en retirer le dépôt, de le faire sécher, & de le calciner ensuite. Si en commençant vous avez rempli ces fosses avec des sarmens ou autres bois qui laissent des vides entr’eux, vous trouverez ces sarmens recouverts de cristaux de tartre, & intérieurement imprégnés de cette substance. Il ne s’agira plus que de brûler le tout pour en retirer la cendre gravelée, ou le tartre. (Voyez ce mot) Ce n’est point une petite économie que je propose ; elle est d’autant plus considérable, qu’elle ne coûte ni peines, ni soins, ni dépenses : tout est bénéfice.


CENS ou Censive, est une redevance due par le propriétaire d’un fonds au seigneur de ce fonds, laquelle consiste en argent ou denrées.

Le paiement d’un cens[1] constitue un héritage roture ; les fonds nobles n’y sont point assujettis.

Il faut expliquer ceci. Sous la première race de nos rois, le vaste sol de la France fut divisé en un petit nombre de propriétaires. Ces propriétaires étoient des germains. Ils établirent sur les terres l’esclavage germanique. « Les germains, dit Tacite, ne se servent point de leurs esclaves pour les fonctions domestiques, comme nous. Chacun d’eux a sa maison, sa famille, & paye, selon la volonté de son maître, une certaine quantité de grains, un certain nombre de bestiaux, des habits, comme un fermier. C’est en cela seulement que consiste leur servitude. » De Mor. Germ. Cette coutume est bien évidemment l’origine des cens.

Mais, pourquoi les terres nobles n’en payent-elles point ? La raison en est simple. Les grandes possessions dont les seigneurs germains, vassaux du roi, s’emparèrent, leur furent assu-

  1. Excepté en Bretagne.