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porte communément dans les villes. Le moment le plus favorable pour répandre sur les prairies ces engrais, est à l’entrée de l’hiver. Les pluies, les neiges ont le tems de dissoudre les sels qu’ils contiennent, & les gelées en soulevant & écartant les molécules de la terre, leur donnent la facilité d’y pénétrer plus profondément.

Dans la province de Picardie, on trouve à une certaine profondeur en terre un amas immense de tourbe pyriteuse. (Voyez ces mots) Peu de jours après qu’elles ont été portées à la superficie du sol, elles s’effleurissent, s’échauffent, s’y enflamment d’elles-mêmes, & se réduisent en cendres. Ces cendres sont devenues un objet de commerce assez considérable pour tous les environs. On les jette sur les prairies, sur les terres labourables, où elles produisent un très-bon effet. Il se trouve par-tout des personnes difficiles, ennemies des nouveautés, qui firent, dans le commencement de cette découverte, des efforts inouis pour empêcher l’usage de ces cendres. La vérité a prévalu, & les prairies attestent aujourd’hui leur utilité.

Concluons. L’usage des cendres neuves est fort avantageux, mais trop dispendieux, à moins qu’on ne soit près de la fabrique du salin.

Celui des cendres lessivées n’est guère supérieur au mélange du sable calcaire avec les terres quelconques, à moins que ces cendres n’aient été exposées sous des hangars à l’air libre, & de tems à autre, imbibées de jus de fumier, ou de la lessive tirée de ces cendres après qu’elle aura servi aux usages domestiques.

Que dans les pays où la chaux & le plâtre sont abondans & peu coûteux, il convient de les préférer aux cendres neuves, parce qu’ils contiennent beaucoup plus de sel alcali qu’elles, & sont par conséquent infiniment supérieurs aux cendres lessivées.

Quant à ces dernières, il convient de les conserver pour la fabrication du salpêtre. (Voyez ce mot) Chaque particulier peut en faire chez soi, & il répondra aux vues du gouvernement.


Cendre gravelée ou clavelée. Il n’y a point de petite économie pour celui qui habite la campagne ; ne rien perdre est son bénéfice ; & il doit avoir toujours les yeux ouverts pour se le procurer. Les grands possesseurs de vignes ont nécessairement beaucoup de vin. Le vin dépose beaucoup de lie, dont la valeur est ordinairement nulle entre leurs mains. On peut leur dire : Après avoir soutiré vos vins, faites écouler la lie dans des vaisseaux ou réservoirs destinés à cet usage. Lorsque vous ferez relier vos tonneaux, observez qu’ils soient ratissés exactement, & entièrement dépouillés de leur lie & de leur tartre ; rassemblez encore l’un & l’autre, & portez-les dans vos réservoirs. Lorsque toutes ces lies seront sèches, vendez-les aux fabricans de chapeaux ou aux teinturiers. Vous en tirerez cependant un parti plus lucratif en les convertissant en cendres gravelées. En voici le procédé.

Faites un lit avec du bois quelconque, & un lit de ces lies parfaitement desséchées, & ainsi de lit en lit ; donnez le feu & calcinez-les. Le feu doit être assez vif pour faire fondre le sel, mais non pas pour vitrifier les cendres qui se trouvent