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peu de gourmands ; s’il monte trop haut, on peut le rabaisser ; les boutons percent facilement l’écorce, & garnissent les places vides. Encore une fois, je le répète, craignez de trop couper des branches.


CHAPITRE V.

Des propriétés du Cerisier.


I. Propriétés médicinales. Le fruit est rafraîchissant, nourrissant, laxatif quand il est bien mûr, astringent lorsqu’il est encore vert. On regarde les feuilles comme laxatives & les noyaux comme diurétiques. La cerise acide ou griotte tempère la soif. Son suc étendu dans beaucoup d’eau, édulcoré avec suffisante quantité de sucre, convient dans les fièvres où il y a ardeur, soif, & tendance vers la putridité. Le cerisier à fruit doux ou le guignier cause des vents dans les premières voies.

II. Des propriétés du bois. Si la couleur du bois se soutenoit, il seroit un arbre précieux pour l’ébénisterie. Le merisier a son bois plus serré, plus dur que les cerisiers à fruit en cœur & à fruit rond. Dans quelques provinces on fait avec les branches de celui-là de très-bons échalas pour les vignes, sur-tout si on a eu le soin de les écorcer, des cerceaux de tonneau, si elles sont assez droites & assez longues ; & dans quelques autres endroits, les grandes branches unies au tronc & fendues dans les proportions convenables, servent à faire des cerceaux pour les cuves.

III. Des propriétés économiques du fruit. Je pense que l’on ne trouvera pas déplacé le petit épisode sur le kirsch-wasser, & non pas kervaser, comme on prononce en France, liqueur spiritueuse qu’on obtient par la distillation des différentes espèces de cerises sauvages. La distillation de cette liqueur forme une branche de commerce assez considérable dans les montagnes d’Alsace & de Franche-Comté, mais principalement dans les cantons de Bâle, de Berne, &c. Comme l’arbre qui produit la cerise propre à cette distillation est fort commun dans toutes nos forêts & sur nos montagnes, il seroit à desirer que ce genre d’industrie s’étendît en France, & rien n’est plus facile.

Le kirsch-wasser se fait avec la merise noire à suc doux, & avec la cerise ou griotte à fruit rouge & acide. Ces cerisiers donnent des fruits en abondance, même dans les vallons au pied des glaciers de Grindelvald. La liqueur qui provient du merisier à fruit noir est infiniment plus délicate que celle tirée de la cerise acide. Souvent on mêle les deux fruits ensemble, & on a tort. On a plus grand tort encore lorsqu’on mêle à ces deux fruits les prunelles & les sorbes. Alors la liqueur est détestable & nuisible à la santé. Voici la manière de la préparer.

Prenez telle quantité qu’il vous plaira de cerises des bois, noires, vineuses, teignant fortement les doigts, nommées merises, lorsqu’elles seront au point d’une parfaite maturité. Ôtez-en les queues, & mettez-les dans un vase quelconque, où elles seront écrasées & bien réduites en pâte. N’écrasez pas tous les noyaux, mais seulement un tiers, ou la moitié tout au plus. Les merises ainsi préparées, jettez le tout ensemble dans un tonneau, pour les laisser fermenter (voyez ce mot) pendant six ou sept jours. Si c’est