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les réservoirs. Ces petites geodes se remplissent insensiblement, & confondent les couches les unes avec les autres.

Les arbres croissent en grosseur par l’addition des couches circulaires & concentriques qui se produisent entre l’écorce & le bois. Ainsi, de quelque côté que l’on compte ces couches, abstraction faite de l’aubier, le nombre sera toujours égal, si l’arbre est sain, & si quelques maladies ou des accidens ne l’ont pas altéré dans certaines parties. Il n’en est pas ainsi si l’on ne considère que l’aubier, & le nombre des couches n’est pas le même de tous les côtés ; leur grosseur n’est pas même égale. C’est à MM. de Buffon & Duhamel que nous devons une suite de recherches très-intéressantes sur ces objets, dont nous allons parcourir les résultats.

M. de Buffon ayant fait scier plusieurs chênes de quarante-six ans à deux ou trois pieds de terre, & ayant fait polir la coupe avec la plane, il remarqua que les couches annuelles d’aubier étoient plus nombreuses d’un côté que d’un autre, quoique les moins nombreuses fussent plus épaisses d’un sixième, d’un quart, & quelquefois du double que les plus nombreuses. On pouvoit compter six, sept, huit couches bien prononcées de plus d’un côté que de l’autre. Par exemple, un chêne de quarante-six ans environ, avoit d’un côté quatorze couches annuelles d’aubier, & du côté opposé il en avoit vingt ; cependant les quatorze couches étoient d’un quart plus épaisses que les vingt de l’autre côté.

Un autre chêne du même âge avoit d’un côté quatorze couches d’aubier, & de l’autre vingt-une ; cependant les quatorze étoient d’une épaisseur presque double de celles de vingt-une, &c.

Quoique nous ne parlions ici que du chêne, il est à présumer que tous les autres arbres sont dans le même cas.

Quelle peut être la cause d’un phénomène aussi singulier ? Pourquoi cette différence ? Qu’est-ce qui peut déterminer la transformation en bois des couches d’aubier d’un côté plutôt que d’un autre ? Est-ce l’influence du vent & des froids du nord, ou des chaleurs du midi, comme on l’a cru long-tems, & comme tant d’auteurs l’ont répété les uns après les autres ? Non, & il est même faux que l’excentricité des couches ligneuses s’éloigne plus du centre ou de l’axe du tronc de l’arbre du côté du midi que du côté du nord. On a proposé quelquefois ce phénomène aux voyageurs égarés dans une forêt, comme un moyen infaillible de s’orienter parfaitement & de retrouver sa route ; un voyageur qui n’auroit que cette ressource seroit bien à plaindre, car sur vingt arbres qu’il couperoit, il n’en trouveroit peut-être pas deux dont le rayon d’excentricité le plus long fût dans la même direction. M. de Buffon ayant fait couper dix chênes dans la force de l’âge, à un pied & demi de terre, en a trouvé quatre qui avoient plus grossi du côté du midi que du nord ; encore dans un, cet excès étoit absolument nul à trois pieds plus haut, trois où le côté nord l’emportoit, & trois l’orient. Il est à remarquer que cette supériorité n’étoit pas égale dans