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toute la tige. Ce que M. de Buffon avoit fait exécuter en Bourgogne, M. Duhamel l’a fait pareillement dans la forêt d’Orléans. En vain a-t-il cherché sur quarante arbres de quoi fixer ses incertitudes sur ce sujet, il a toujours vu que l’aspect du midi & du nord n’est point du tout la cause de l’excentricité des couches, & par conséquent de l’existence plus ou moins longue de celles de l’aubier.

Si l’exposition ne produit rien de sensible sur l’épaisseur des couches, c’est à l’insertion des racines & à l’éruption de quelques branches qu’il faut attribuer les différences que l’on rencontre. Cette découverte est due aux deux savans que nous venons de citer. Si l’on déracine un arbre, on remarquera toujours que le côté où existe la plus grosse racine est aussi celui où l’excentricité se fait remarquer, & où en même-tems l’aubier a moins de couches, mais où elles sont plus larges. Une forte branche qui détermine une affluence de séve plus abondante, produit le même effet. Voici une dernière observation de M. de Buffon, qui confirme absolument ce principe. Il choisit un chêne isolé, auquel il avoit remarqué quatre racines à-peu-près égales pour la force, & disposées assez régulièrement, en sorte que chacune répondoit à très-peu-près à un des quatre points cardinaux ; & l’ayant fait couper à un pied & demi au-dessus de la surface du terrain, il trouva, comme il le soupçonnoit, que le centre des couches ligneuses coïncidoit avec celui de la circonférence de l’arbre, & que par conséquent il étoit grossi de tous côtés également. Dans cet arbre l’aubier devoit avoir ses couches parallèles entr’elles.

La grande abondance de séve est une des principales causes qui fait que l’aubier se transforme en bois, & c’est d’elle que dépend l’épaisseur relative du bois parfait avec l’aubier dans les différens terrains & les différentes espèces. La séve en parcourant le tissu rare & spongieux de l’aubier, y dépose facilement les parties productrices du bois ; plus il arrivera de séve, plus le nombre de ses parties sera grand, & plus aussi l’aubier deviendra bois. Une grosse racine, une racine traçant dans une meilleure veine de terre, ou une grosse branche produisant une plus grande quantité de séve & de sucs, occasionnera des couches ou plus épaisses, ou plus dilatées, quoiqu’elles se durcissent plutôt. Telle est la cause simple du phénomène singulier où l’on voit que le côté de l’aubier qui a moins de couches est aussi celui où elles seront plus larges, & que l’épaisseur de l’aubier en général, est d’autant plus grande, que le nombre des couches qui le forment est plus petit.

La différence des terrains, bons ou maigres, influe nécessairement sur l’épaisseur de l’aubier ; on le sentira facilement d’après tout ce que nous venons de dire. M. de Buffon a encore confirmé ce principe par des expériences qui lui ont montré 1o. qu’à l’âge de quarante-six ans, dans un terrain maigre les chênes communs ou de gland médiocre, avoient 1 d’aubier & 2 + de cœur, & les chênes de petits glands 1 d’aubier & 1 + de cœur. Ainsi dans les terrains maigres