Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/10

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craint plus l’effet des gelées. Je ne parle pas de ces gelées tardives qui portent la désolation dans l’ame des malheureux cultivateurs de vignes ; celles-là sont fortuites : dans les semailles faites de bonne heure, la graine n’est pas trop pressée par la chaleur ; d’ailleurs elle profite & aime les pluies assez ordinaires à la fin de l’hiver & à l’équinoxe du printemps. Le cultivateur prudent tient en réserve la même quantité de graines qu’il en a jettée en terre, dans la crainte des gelées tardives, parce qu’alors on ne trouve plus à en acheter, sinon à un prix exorbitant. Cette graine, très-souvent surabondante, ne sera point perdue ; elle servira pour la nourriture des jeunes poulets, des pigeonneaux, & il suffira pour cela de l’écraser légérement. Chaque pays a ses usages ; & la fête d’un saint marque toujours le moment des semailles. Cette manière de voir, en général, n’est pas à condamner, parce qu’elle est fondée sur l’expérience du canton, & ne conviendroit pas à un canton différent ou éloigné ; mais choisir opiniâtrement le Vendredi Saint pour époque, c’est une ridiculité impardonnable, puisque ce jour peut se trouver un mois plutôt ou un mois plus tard.

Comment faut-il semer ? Cela dépend de l’emploi auquel on destine le chanvre. Si c’est pour les cordages de la marine, semez clair & très-clair ; si au contraire le produit doit servir à fabriquer des toiles, semez épais. Dans le premier cas, la tige est double de hauteur & de grosseur, l’écorce est grossière & donne de longs brins ; dans le second, l’écorce est plus fine, la filasse plus fine, plus douce, plus soyeuse & prend mieux le blanc. Malgré cela, un brin de filasse de ce dernier est aussi fort, proportion gardée, que celui du chanvre destiné pour la marine.

La graine ne lève pas & pourrit si elle est trop enterrée ; elle demande à être simplement couverte d’une légère couche de terre. Si après la semaille il survient une pluie légère ou de fortes rosées, elle lèvera promptement. Dans le cas de sécheresse, si on a la facilité d’arroser, ou par irrigation ou avec des arrosoirs, le produit dédommagera de la peine.

Tous les oiseaux à bec court & droit sont friands à l’excès de cette graine. Les pigeons & les moineaux sur-tout en font un dégât affreux. Employez tous les moyens connus afin de les écarter. Le meilleur est de multiplier les fantômes, de les changer chaque jour de place, & de renouveler leur habillement. Voyez à l’article Moineau, ses ruses & son effronterie.

V. Des soins à donner aux jeunes plantes. Dès qu’elles sortiront de terre ne laissez pas gagner les mauvaises herbes, parce que leur végétation dans une terre si bien préparée est prodigieuse. Faites sarcler ; c’est l’ouvrage des femmes & des enfans. Dès que les tiges du chanvre s’élèvent au-dessus de celles des mauvaises herbes, elles les font promptement périr, parce qu’elles leur interceptent l’air ; la mauvaise plante s’étiole, languit, blanchit & meurt.

Lorsque le chanvre est parvenu à trois ou quatre pouces de hauteur, c’est le moment de le dégarnir, s’il a été semé trop épais. Il convient de donner à celui destiné aux usages